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[2021] Analyse statistique de l’observatoire COQC (Les premiers résultats)

30/09/2021

Dr Thibault Devambez
DMV, Responsable Technique Animaux d'Elevage, Virbac France

Entre 2020 et 2021, la première saison du projet COQC a permis de faire un état des lieux de la qualité colostrale de 11 races représentatives des cheptels laitiers et allaitants français. Elle a également permis de s’intéresser à la gestion colostrale par les éleveurs ainsi qu’à la préparation au vêlage des vaches et son impact sur la concentration en immunoglobulines G du colostrum.

Améliorer concrètement la qualité colostrale


 

La teneur en IgG du colostrum est différente en fonction du type de production. Les vaches allaitantes ont un colostrum plus concentré en IgG que les vaches laitières du fait de leur dilution dans un volume plus important chez ces dernières. Ainsi, dans notre observatoire, la concentration moyenne en IgG du colostrum est de 77,2 g/L pour les laitières contre 110,2 g/L pour les allaitantes. Plus spécifiquement, nous constatons également des disparités entre les différentes races laitières et les différentes races allaitantes (figure 1 et 2).

À partir de ces données et pour chaque type de production, les colostrums ont été classés selon leur qualité: « Mauvais », « Moyen », « Bon » et « Excellent ». Les seuils de concentration en IgG de chaque catégorie ne sont pas identiques en laitier et en allaitant (figure 3).

Les classes de qualité colostrales ont été définies par les quartiles de l’échantillon total. Ainsi, les colostrums considérés « mauvais » sont les 25 % dont la concentration en IgG est la plus faible. À l’inverse, ceux classés « excellents » sont les 25 % dont la concentration en IgG est la meilleure.

Fort de ses 3794 mesures colostrales, notre observatoire a permis de redéfinir les seuils des différentes classes de qualité colostrale.

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Figure 1 : Concentration moyenne en IgG (en g/L) du colostrum des races allaitantes

 

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Figure 2 : Concentration moyenne en IgG (en g/L) du colostrum des races laitières

 

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Figure 3 : Seuils de concentration en IgG déterminés à partir des colostrums de l’observatoire

 

 

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Figure 4 : Répartition des colostrums selon leur qualité en fonction de l’apport en sélénium (N : pas de sélénium, n=169 ; O : sélénium, n=2785)

 

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      Figure 5 : Répartition des colostrums selon leur qualité en races laitières 

                  Figure 6 : Répartition des colostrums selon leur qualité en races allaitantes                       (* Parthenaise n=21 et Rouge n=22)

Un colostrum sera jugé bon à partir de 105 g/L et excellent à partir de 139 g/L en filière allaitante. En filière laitière, un colostrum sera considéré de bonne qualité à partir de 70 g/L, voire excellent au-delà de 105 g/L.

De la même façon que pour la concentration en IgG, la répartition des qualités colostrales est très hétérogène parmi les races (figures 5 et 6).

Moins de mauvais colostrum en apportant du sélénium.

L’apport en sélénium lors de la préparation au vêlage est une pratique très répandue dans les élevages participant au projet, comme en témoignent les 2785 colostrums de l’échantillon provenant d’animaux ayant reçu du sélénium, quelle que soit la forme de l’apport. La qualité des colostrums des vaches ayant reçu un apport de sélénium est significativement améliorée par rapport à celles qui n’en reçoivent pas (p=0,008) (figure 4).

2 vaches sur 3 traitées avec un antiparasitaire interne (API) douvicide et strongicide produisent un colostrum classé « bon » à « excellent ».

Les antiparasitaires internes administrés et renseignés par chaque éleveur ont été catégorisés en « Douvicide », « Strongicide » ou « Douvicide et Strongicide » selon leurs principes actifs. Dans notre échantillon, les animaux n’ayant pas reçu de traitement antiparasitaire interne, et ceux qui ont reçu seulement un strongicide ou seulement un douvicide, produisent un colostrum de moindre qualité (p<0,05) (figure 7). Moins d’1 colostrum sur 5 (18,9 %) de vaches traitées avec un antiparasitaire interne douvicide et strongicide est considéré mauvais contre près d’1 sur 3 (32,4 %) lorsqu’aucun traitement antiparasitaire interne n’a été administré. 

 

 

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Figure 7 : Répartition des colostrums selon leur qualité en fonction du spectre de l'API

(Douvicide n=439, Strongicide n=291,
Douvicide et Strongicide n=244, Pas d’API n=1748)

 

 

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Figure 8 : Répartition des colostrums selon leur qualité en fonction de l'intervalle vêlage-mesure colostrale
(<2h n=2167, 2-4h n=584, 4-6h n=409, >6h n=402)

 

Enfin, outre la qualité du colostrum, la rapidité avec laquelle il est bu par le veau est essentielle. En effet, non seulement la perméabilité intestinale du veau diminue avec le temps (Weaver et al, 2000), mais la concentration en IgG du colostrum décroît également rapidement. Une prise de colostrum tardive est donc un facteur de risque d’autant plus important pour la santé des veaux. La part de colostrums de mauvaise qualité augmente significativement avec le temps, jusqu’à concerner presque la moitié des colostrums au-delà de six heures d’intervalle (p<0,05) (figure 8). 

La distribution rapide du colostrum semble tout même bien ancrée dans les pratiques des éleveurs puisque près de 2 colostrums de l’échantillon sur 3 (60,8 %) ont été mesurés moins de deux heures après la mise bas (33,9 % en laitier et 80,5 % en allaitant). 

Par souci de représentativité des données, il a été demandé aux éleveurs participant au projet de collecter le colostrum d’au moins 1 animal sur 3 et d’en mesurer la concentration en IgG. Or au cours de cette saison, la participation assidue des éleveurs a permis de récolter et de compiler les données de qualité colostrale de 39 % de la totalité des animaux ayant mis bas dans l’ensemble des 103 élevages participants. Ce pourcentage supérieur à ce qui était attendu traduit la faisabilité de la mesure colostrale tant en élevage laitier qu’en élevage allaitant. Par ailleurs, en allaitant, il est à noter que la part de colostrums prélevés et analysés est plus importante qu'en laitier étant donné que l’éleveur se retrouve plus souvent présent au moment de la mise bas et qu’il dispose généralement de meilleurs moyens de contention, facilitant le prélèvement. 

En conclusion, le projet COQC, permet pour la première fois à cette échelle en France, de souligner le fait qu’une meilleure gestion des parasites internes et qu’une complémentation en sélénium des mères favoriseraient la production d’un colostrum de meilleure qualité et par conséquent réduiraient le risque d’un mauvais transfert d’immunité passive au veau. La mesure de la qualité des colostrums en élevage permet d’évaluer et de chiffrer facilement et à moindre coût la qualité de la conduite de troupeau et de la préparation au vêlage. Elle permet également de constater leurs évolutions dans le temps et l’impact des changements de pratiques.

Dans le but d’améliorer la santé des veaux, la quantité de colostrum distribué et la qualité du transfert d’immunité passive par dosage des protéines totales dans le sérum des veaux sont des données à évaluer en complément de la concentration en IgG des colostrums. 

 

Auteurs : Thibault Devambez & Hugo Rialet (Etudiant vétérinaire en 6e année à Oniris, école nationale vétérinaire de Nantes. Réalise sa thèse sur le projet COQC)

 

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Dr Pauline Carrié
Clinique vétérinaire de Cressanges (03)

Le docteur vétérinaire Pauline Carrié est une jeune praticienne installée à Cressanges, dans l’Allier depuis 2018. Elle met en place le projet COQC avec le GAEC Roudier lors de la saison de vêlage, en automne 2021.

 

 

« Le projet COQC m’a permis d’être aux côtés des éleveurs dès le début de la saison, pas seulement en tant que pompier pour un vêlage difficile. Le fait d’avoir des données hors pathologie m'apporte plus d’assurance pour proposer des protocoles de prévention. Nous avions constaté dans plusieurs élevages de la clientèle des carences en oligo-éléments, en vitamines, et même en énergie sur des bêtes à l’herbe. Les premières mesures de qualité colostrale du GAEC Roudier ont indiqué une hétérogénéité importante (de 19 à plus de 30 degrés Brix). Lorsqu’une série de diarrhées à Coli F5 est apparue, la mise en place d’une supplémentation injectable associée à une vaccination contre les entérites néonatales a permis de sauver la fin de la saison de vêlage. »

Le cabinet vétérinaire de Cressanges organisait déjà des réunions éleveurs. En 2018, le thème du colostrum avait été abordé. Les vétérinaires ont par la suite commencé à mesurer la qualité colostrale au réfractomètre lors de leurs interventions en élevage. Le projet COQC avec l’implication des éleveurs a permis de poser un cadre et de systématiser cette démarche.

« J’ai d’ores et déjà un accord de principe pour recommencer l’année prochaine avec les éleveurs impliqués aujourd’hui! Au-delà des actes vétérinaires, au-delà du conseil, c’est une forme d’échange constructif pour progresser ensemble. Je recommande sans hésiter aux vétérinaires de participer à ce projet. Surtout en tant que jeune vétérinaire, avoir un tel projet à mener de A à Z est motivant, et permet d’établir une relation de partenariat avec l’éleveur. Avec les suivis réalisés dans certaines exploitations, je gagne une connaissance précieuse pour les autres élevages. Je peux définir des pratiques à risque et alerter les éleveurs sur les conséquences possibles. »

 

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Bernard et Alexis Roudier
Eleveurs de Charolaises à Lafeline (03)

Bernard et Alexis Roudier, père et fils, éleveurs de Charolais, ont participé au projet COQC avec la vétérinaire Pauline Carrié.

 

 

« Pourquoi avoir participé à ce projet ? Parce qu’on nous l’a gentiment demandé », c’est la première réponse d’Alexis, avant de souligner l’état d’esprit du GAEC, toujours motivé à s’améliorer. Alexis et Bernard ont réalisé cet hiver plus d’une centaine de prélèvements de colostrum de première traite puis, c’est Alexis qui s’est chargé de rentrer les données dans une feuille de calcul partagée avec leur vétérinaire et le laboratoire Virbac.

« Dans notre cas, la participation à un tel projet a été encore plus marquante car nous avons eu une période difficile en mi-saison. 30 à 40 veaux ont dû être perfusés cette année. Avec environ 260 vêlages groupés de septembre à début décembre, il a fallu réagir vite. Ce projet nous a aidés à mettre en place une solution rapide pour limiter les dégâts. Nous voulons continuer cette démarche l’année prochaine afin de pouvoir intervenir vite si nécessaire, avant que ça ne dégénère cette fois et aussi pour évaluer l’efficacité des mesures de prévention mises en place depuis cette année. C’est une plus-value pour notre élevage. »

Les éleveurs n’ont pas été étonnés de la demande de Pauline de participer à ce projet. Ils apprécient le dynamisme du cabinet vétérinaire, qui leur offre un bon service de soins et de suivi d’élevage.
« On s’entend plutôt bien. Ce projet a encore renforcé les liens que nous avions avec nos vétérinaires. Nous avons pu faire encore mieux connaissance avec Pauline, qui était particulièrement motivée et impliquée dans ce projet. »

 

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