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Protéines et rein : distinguer le vrai du faux

Dr Agnès Batard
DMV, Global medical manager Petfood, Virbac

La peur des protéines repose sur des idées fausses

Les carnivores sont physiologiquement bien adaptés à consommer des quantités importantes de protéines. Pourtant, des craintes à propos du rôle délétère éventuel des protéines sur la fonction rénale sont encore souvent exprimées. Cette « peur » des protéines repose sur l’interprétation erronée d’études anciennes et sur des extrapolations abusives.

 

« Un taux élevé de protéines favorise le développement ultérieur de maladie rénale » ? Rien ne permet de l’affirmer. 

Plusieurs études témoignent de la très bonne tolérance rénale des chiens sains à des niveaux élevés de protéines, même pendant des périodes très longues 1-4
 


 

Un chien n’est pas un rat néphrectomisé

Un régime riche en protéines induit une augmentation de la pression glomérulaire et une augmentation du débit de filtration glomérulaire (DFG) 5. L’hyperfiltration rénale est un phénomène adaptatif normal 6 mais cela a conduit à affirmer à tort que « les protéines fatiguent les reins ». 
La restriction protéique a alors été envisagée comme un moyen de diminuer la pression capillaire glomérulaire et l’hyperfiltration associée. Chez le rat néphrectomisé, cette stratégie permet en effet de limiter la protéinurie, de ralentir la dégradation de la fonction rénale et la progression des lésions 7,8. Ces observations ont abusivement été extrapolées au rat sain alors que rien d’anormal n’a été relevé dans une étude de 2 ans chez des rats nourris avec 60 % de protéines 9.
Les résultats obtenus sur le rat néphrectomisé ont donné lieu à des recommandations nutritionnelles visant à restreindre « préventivement » la consommation de protéines chez le chien, alors que la physiologie de ce dernier est complètement différente.
 

Conséquences physiologiques d’un niveau élevé de protéines

Un régime riche en protéines modifie le profil biochimique du chien sain : une augmentation de l’urémie et une baisse de la créatininémie peuvent être observées, les valeurs restant dans les normes physiologiques. 

  • Le taux de formation de l’urée dépend du catabolisme azoté : l’urémie augmente parallèlement à la consommation de protéines. L’urée est filtrée passivement par les reins et son élimination ne les « fatigue » donc pas. L’urée exerce un effet diurétique osmotique et crée un appel d’eau vers le fluide tubulaire. La consommation d’eau et la quantité d’urine éliminée sont donc plus importantes chez les chiens qui consomment beaucoup de protéines.
  • A la différence de l’urée, la créatinine n’est pas réabsorbée par les reins. Lorsque la consommation protéique augmente, la filtration rénale s’accélère et entraîne une légère diminution de la créatininémie. 

 

Intérêt d’un régime riche en protéines chez le chien vieillissant

Suffisamment de protéines doivent être fournies pour empêcher le catabolisme des protéines endogènes, responsable de malnutrition et d’une exacerbation de l’azotémie. Ceci est particulièrement vrai chez le chien âgé. Le maintien de la masse musculaire est d’autant plus important à considérer qu’un lien entre la perte de masse maigre et les taux de morbidité/mortalité a pu être établi chez le chien 10. Des observations menées sur 48 chiens Labradors pendant toute leur vie ont d’ailleurs montré qu’un taux élevé de masse maigre corporelle était protecteur, et prédictif du temps de survie 11.
Même au niveau rénal, un apport protéique conséquent peut avoir un effet bénéfique chez le chien âgé : en augmentant la pression de filtration dans les néphrons résiduels, les protéines permettent en effet de lutter contre la diminution du débit sanguin rénal lié à l’âge 12 et de maintenir le DFG à un niveau suffisant.
 

Ajuster le taux protéique à l’azotémie lors de maladie rénale clinique

L’effet positif potentiel d’une restriction protéique sur la progression de la maladie rénale n’a jamais été montré chez le chien : la restriction protéique n’atténue ni l’hypertension glomérulaire, ni l’hypertrophie, ni l’hyperfiltration 13-15. Dans une étude réalisée sur 35 chiens nourris pendant 4 ans avec trois niveaux d’apports protéiques (19, 27 ou 56 % MS), et dont le tissu rénal fonctionnel avait été réduit de 75 %, les examens histologiques n’ont pas montré de différence dans l’incidence ou la sévérité des lésions glomérulaires selon les groupes alimentaires 15.
En revanche, un taux protéique élevé stimule la croissance rénale compensatrice chez des chiens dont la capacité rénale est diminuée. Dans une étude réalisée pendant 4 ans sur 31 chiens âgés et uninéphrectomisés 8, le taux de survie a été plus long dans le groupe nourri avec l’aliment le plus riche en protéines (34 % MS) : 87 % contre 63 % dans le groupe nourri avec l’aliment plus pauvre en protéines (18 % MS).
Lorsque l’insuffisance rénale se déclare cliniquement, jusqu’à 75 % des néphrons peuvent déjà être perdus. A partir du stade III de la classification IRIS, les signes cliniques du syndrome urémique sont évidents et le traitement alimentaire vise essentiellement à limiter l’azotémie et à réduire les signes cliniques associés 16.
Il convient alors de trouver le compromis entre la nécessité de minimiser l’azotémie tout en limitant le risque de carence protéique dont les effets délétères sont reconnus (hypoalbuminémie, anémie, perte de poids, perte de masse maigre, baisse d’immunité…) 17,18
Ajuster l’apport protéique impose l’utilisation de protéines de valeur biologique maximale, afin de minimiser les risques de déficit en acides aminés indispensables, en particulier l’arginine pour son intervention dans le cycle de l’urée 19.
 

Attention au ratio entre protéines et phosphore

L’implication du phosphore dans la dégradation de la fonction rénale du chien est établie depuis de nombreuses années et il est démontré que la restriction alimentaire en phosphore permet de ralentir la progression de la maladie 20. Une étude a par exemple comparé les effets de différentes teneurs alimentaires en protéines et en phosphore sur 48 chiens néphrectomisés, pendant 2 ans 21 ; elle a montré que le taux de survie des chiens ayant reçu les aliments les plus pauvres en phosphore (0,4 vs 1,4 % MS) était significativement augmenté, alors que ce taux n’a pas été influencé par la teneur en protéines des aliments (16 ou 32 % MS). De plus, le DFG s’est maintenu à un niveau physiologique significativement plus longtemps dans les groupes pauvres en phosphore, indépendamment des taux protéiques : 12,7 mois vs 7,5 mois.

Pour limiter le phosphore alimentaire sans forcément limiter l’apport protéique, il est primordial de veiller à la qualité des protéines. 
 

 

 

Non seulement des teneurs élevées en protéines ne sont pas dangereuses, mais elles sont indispensables et profitables à la santé du chien, tout au long de sa vie. Plutôt que l’apport en protéines, c’est l’apport en phosphore qui doit être restreint chez l’animal insuffisant rénal chronique.

 

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Références

1. Kronfeld D.S., et al, “Hematological and metabolic responses to training in racing sled dogs fed diets containing medium, low, or zero carbohydrate”, Am. J. Clin. Nutr., 1977, 30 : 419-430.
2. Paquin J., “ Observations sur le comportement de chiens beagle alimentés avec différents taux de proteins pendant 30 mois ”, Thèse de doctorat Vétérinaire, Alfort, 1979.
3. Pibot P. Contribution à l’étude de l’influence à long rerme du taux protéique du regime sur les paramètres biochimiques et hématologiques du chien beagle, Thèse de doctorat Vétérinaire, Nantes, 1988.
4. Leriche I., et al, « Assessment of a renal function over 5 months in adult dogs fed a high protein diet », dans : Intérêts d’un régime carnivore pour les chiens et les chats, avril 2016, Publication Virbac, études scientifiques : 107.
5. Singer M.A., et al, « Dietary protein-induced changes in excretory function : a general animal design feature », Comp. Bioch. Physiol., 2003, Part B, 136 : 785-801.
6. Sugaya K., et al, “Compensatory renal hypertrophy and changes of renal function following nephrectomy”, Hinyokika Kiyo, 2000, 46 : 235-240.
7. Hostetter T.H., et al, “Hyperfiltration in remnant nephrons: a potentially adverse response to renal ablation”, J. Am. Soc. Nephrol., 2001, 12 : 1315-1325.
8. Finco D.R., et al, “Effects of aging and dietary protein intake on uninephrectomized geriatric dogs”, Am. J. Vet. Res., 1994, 55 : 1282-1290.

Synthèse de l'étude : Effets de l’ingéré protéique chez des chiens âgés uninéphrectomisés. Nourris avec 34 % de protéines (sur MS), 13 chiens sur 15 chiensétaient toujours vivants 48 mois après, versus 10/16 avec un aliment contenant 18 % de protéines.
 9. Martin W.F., et al, “Dietary protein intake and renal function”, Nutrition & Metabolism, 2005, 2 : 25.
10. Wannemacher R.W., McCoy J.R., “Determination of optimal dietary protein requirements of young and old dogs”, J. Nutr., 1966, 88 : 66-74.
11. Finco D.R., et al, “Effects of three diets on dogs with induced chronic renal failure”, Am. J. Vet. Res., 1985, 46 : 646-653.
12. Queau Y., Lefebvre H., « Effet du vieillissement sur la fonction rénale chez le chien », Thèse de doctorat Vétérinaire, Toulouse, 2007.

Synthèse de l'étude : Effet du vieillissement sur la fonction rénale du chien. Le vieillissement entraîne une diminutioin significative du débit de filtration glomérulaire.
 13. Brown S.A., et al., “Dietary protein intake and the glomerular adaptations to partial nephrectomy in dogs”, J. Nutr., 1991, 121 : S125-127.
14. Bovee K.C., “Influence of dietary protein on renal function in dogs”, J Nutr 1991, 121 : S128-S139.
15. White J.V., et al, “Effect of dietary protein on functional, morphologic, and histologic changes of the kidney during compensatory renal growth in dogs”, Am. J. Vet. Res., 1991, 52 : 1357-1365.
16. www.iris-kidney.com/pdf/IRIS_Staging_of_CKD_modified_2019.pdf
17. Martin L., « Comment adapter le régime alimentaire lors d’une insuffisance rénale chronique », Nouv. Prat. Vet., 2008 : 59-62.
18. Maurey C., Arpaillange C., « Insuffisance rénale chronique. Actualités sur le diagnostic et le traitement », L’Essentiel, 2009, 123 : 10-16.
19. Blanchard G., Paragon B., « Insuffisance rénale chronique chez le chien et le chat. Aspect nutritionnel du traitement », Point Vet., 2001, n° Spécial Urologie et Néphrologie des Carnivores Domestiques : 75-79.
20. Brown S.A., et al., “Beneficial effects of dietary mineral restriction in dogs with marked reduction of functional renal mass”, J. Am. Soc. Nephrol .,1991, 1 : 1169-1179.
21. Finco D.R., et al., “Effects of phosphorus/calcium-restricted and phosphorus/calcium-replete 32% protein diets in dogs with chronic renal failure”, Am. J. Vet. Res., 1992, 53 : 157-163.