Une alimentation riche en protéines favorable à la santé générale du chien
Nous classons les chiens dans la catégorie des « carnivores domestiques » tout en conseillant à leurs propriétaires des aliments où les céréales viennent très souvent en tête de la liste des ingrédients. Est-ce compatible avec l’optimisation de leur santé ?
En plus du produit de leur chasse, les chiens dits sauvages (dingo d’Australie, chiens féraux…) intègrent à leur régime des charognes, des fruits et des restes issus de l’alimentation humaine quand ils sont disponibles. Même à l’état sauvage, l’alimentation du chien est donc assez éclectique, c’est pour cela que nous le qualifions de carnivore « opportuniste ». Il n’en reste pas moins un carnivore, comme en témoignent ses caractéristiques anatomiques, physiologiques et même son comportement alimentaire.
Le chien possède des canines pointues (ou crocs) pour tuer les proies et des dents carnassières aptes à déchiqueter la chair.
L’estomac occupe un volume important : il représente en moyenne 55 % du volume total du tube digestif, versus 16 % chez un animal typiquement omnivore tel que le porc 2. Le pH gastrique particulièrement acide permet la dégradation d’éléments a priori peu digestibles, comme les os et les téguments.
Le transit digestif (de la bouche au côlon) ne dure en moyenne que 3 heures 3 ce qui implique que les substrats à digérer doivent être facilement accessibles aux enzymes digestives.
Le chien possède un arsenal enzymatique varié et performant pour assurer la digestion des sources protéiques : des endopeptidases d’origines gastrique (pepsine) et pancréatique (trypsine, chymotrypsine, chymosine), ainsi que des exopeptidases synthétisées dans le pancréas et dans les cellules de la bordure en brosse de l’intestin grêle.
L’équipement enzymatique pour digérer les glucides est plus limité. Le chien ne possède pas d’amylase salivaire permettant de commencer à digérer l’amidon dès la phase buccale. De toute façon, le chien mastique très peu. Le chien produit en revanche des amylases pancréatiques et intestinales, qui lui permettent de digérer l’amidon des céréales.
Cette production amylasique peut être modulée en fonction de la richesse en amidon du régime. La domestication du chien a en effet modifié certains gènes jouant des rôles clés dans la digestion de l’amidon, tels que celui codant pour la synthèse de l’amylase pancréatique. Selon la race, les chiens possèdent 4 à 30 copies de ce gène (7,4 en moyenne) alors que le loup n’en possède que deux : deux études ont confirmé l’augmentation du nombre de variants du gène codant pour l’amylase pancréatique (AMY2B) chez les chiens par rapport aux loups 1,4.
Il faut cependant se garder d’extrapoler : la capacité à digérer et tolérer l’amidon ne dépend pas seulement du nombre de copies d’un gène. Certains individus digèrent bien des régimes plutôt riches en amidon alors que ce n’est pas le cas pour d’autres. La tolérance dépend aussi de l’origine végétale de l'amidon et des conditions de la cuisson-extrusion quand il s’agit d’aliments secs. Un aliment qui convient à un chien peut donc ne pas convenir à un autre.
Une des caractéristiques métaboliques des carnivores est qu’ils utilisent les protéines pour maintenir leur glycémie, même lorsque des sources alimentaires de protéines sont limitées 5. Le glucose est principalement synthétisé à partir de substrats non glucidiques : c’est la voie de la néoglucogenèse. La plupart des acides aminés sont potentiellement glucoformateurs ; seuls la leucine et la lysine sont exclusivement cétogènes.
Chez les loups, la consommation des proies chassées fait que 52 % de leur énergie provient des protéines, 47 % des lipides et 1 % des glucides 6.
Quand des chiens ont le choix entre des aliments de composition nutritionnelle différente, on constate qu’ils tendent à consommer spontanément des aliments riches en protéines, de manière à en tirer environ 30 % de leur énergie. Les glucides représentent moins de 10 % du total, le reste étant couvert par les matières grasses. Ces résultats ont été obtenus avec des chiens de races différentes 7.
En conclusion, les chiens sont des carnivores qui ne sont pas faits pour puiser leur énergie majoritairement dans les sources glucidiques.
Références
1. Axelsson E., et al, “The genomic signature of dog domestication reveals adaptation to a starch-rich diet”, Nature, 2013, 495 : 360-365.
Synthèse de l'étude : Influence de la domestication sur la signature génomique du chien. Le chien possède des gènes montrant une tolérance relative à la digestion de l'amidon.
2. Chivers D.J., Hladik C.M., “Morphology of the gastrointestinal tract in primates: comparison with other mammals in relation to diet”, J. Morph., 1980, 166 : 337-386.
3. Weber M. et al, “Influence of age and body size on gastrointestinal transit time of radiopaque markers in healthy dogs”, Am. J. Vet. Res. 2002, 63 : 677-682.
4. Reiter T., et al, “Dietary variation and evolution of gene copy number among dog breeds”, PLoS ONE 11, 2, 2016 : e0148899.
5. Zoran D.L., “The carnivore connection to nutrition in cats”, J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002, 221 : 1559-1567.
6. Taylor J., “Should domestic dogs really eat like wolves?” Petfood Industry, mars 2014 : 72-76.
7. Hewson-Hughes A.K. et al, “Geometric analysis of macronutrient selection in breeds of the domestic dog, Canis lupus familiaris”, Behav. Ecol., 2013, 24 : 293-304.
Synthèse de l'étude : Analyse de la sélection spontanée de macronutriments par le chien. Le chien tend à utiliser respectivement 30, 63 et 7 % de protéines, matières grasses et glucides pour couvrir son besoin énergétique.