Surveiller la tolérance digestive, le poids corporel et la glycémie
La consommation de grandes quantités d’amidon favorise la prise de poids et l’hyperglycémie car c’est une source d’énergie rapidement disponible.
Le chien peut augmenter sa sécrétion d’amylases lorsqu’il reçoit un aliment riche en amidon mais, au delà d’un certain seuil, des troubles digestifs apparaissent. Les chiens nordiques, les chiens sportifs et certaines grandes races sont ceux qui supportent le moins un taux élevé d’amidon, mais tous les chiens dits « sensibles sur le plan digestif » peuvent également présenter des signes d’intolérance à l’amidon1.
La tolérance digestive varie en fonction de l’origine végétale de l’amidon, de la forme sous laquelle il est incorporé dans l’aliment et de son niveau de cuisson. Une cuisson poussée est nécessaire pour modifier la structure physique des granules d’amidon et former un gel qui soit accessible à la digestion enzymatique. Plus le taux de gélatinisation est haut, plus la digestibilité de l’amidon est importante.
Les croquettes pour chiens sont issues de la cuisson extrusion, un procédé qui associe la chaleur, la pression et le cisaillement mécanique. En pratique, le taux de gélatinisation varie cependant beaucoup en fonction de nombreux paramètres : température, pression de vapeur injectée, durée de la cuisson… De l’amidon résistant aux enzymes digestives peut également se former pendant la phase de refroidissement, par rétrogradation de l’amidon vers sa structure cristalline.
Malgré toutes les améliorations techniques apportées aux procédés de cuisson des aliments secs pour chiens, une maldigestion de l’amidon est donc toujours susceptible d’affecter la digestibilité globale de l’aliment et d’altérer les processus de fermentation intestinale2. Chez les chiens âgés, il a aussi été montré que l’élévation du taux d’amidon résistant était corrélée avec une augmentation de la profondeur des cryptes dans le côlon descendant2.
En revanche, lorsque la formulation nutritionnelle limite volontairement le taux de glucides au profit des protéines, les risques liés à l’excès glucidique sont supprimés et la tolérance digestive est globalement améliorée, en particulier chez les chiots et les chiens considérés comme sensibles3,4.
Lorsque l’on parle d’équilibre énergétique d’un aliment, on a tendance à se focaliser uniquement sur le taux de matières grasses. Pourtant, les quantités de calories issues respectivement des protéines et des glucides sont aussi importantes à considérer dans un aliment pour chien adulte à l’entretien. Un régime trop riche en amidon, distribué sur le long terme, est un facteur prédisposant de l’obésité. Le glucose fourni en excès aux cellules contribue en effet à générer des acides gras qui sont ensuite stockés dans le tissu adipeux5.
Puisque leur métabolisme est orienté vers l’utilisation des matières grasses et des acides aminés plutôt que sur celle de l’amidon, les carnivores ont une capacité limitée à contrôler l’hyperglycémie secondaire à une absorption importante de glucides. Plus le taux d’amidon alimentaire est important, plus le pic glycémique postprandial est élevé et durable6,7. L’hyperglycémie chronique stimulant excessivement la production d’insuline, elle peut ensuite favoriser l’installation d’une insulinorésistance, puis le développement d’un diabète sucré8.
La nature des ingrédients végétaux présents dans l’aliment a aussi son importance : l’hyperglycémie et l’hyperinsulinémie consécutives à l’arrivée de glucose dans le sang est par exemple retardée lorsque l’amidon est apporté par des légumineuses (pois, lentilles) plutôt que par du maïs ou du riz9.
Le chien peut donc tirer un profit énergétique de l’amidon mais cette digestion est conditionnée à un seuil d’incorporation maximal, qui dépend de l’âge, de la race et de l’individu.
La cuisson des aliments industriels favorise des interactions entre protéines et glucides, telles que les réactions de Maillard, et la probabilité de ces réactions augmente la part des glucides dans l’aliment.
Les composés formés au cours de ces réactions peuvent avoir des conséquences très préjudiciables : ils augmentent la résistance à la digestion des protéines, ils peuvent augmenter l’allergénicité des protéines 10, donner naissance à des produits cancérigènes 11 et réduire la biodisponibilité de certains acides aminés indispensables.
Des études ont par exemple montré que les réactions de Maillard peuvent entraîner une différence de 61,8 %.entre le taux de lysine totale et de lysine réactive et que de tels écarts sont susceptibles d’induire un déficit en lysine dans les aliments pour chiots 12.
Le chien peut donc tirer un profit énergétique de l’amidon mais cette digestion est conditionnée à un seuil d’incorporation maximal, qui dépend de l’âge, de la race et de l’individu. Limiter la part de l’amidon dans son alimentation est globalement favorable à sa santé.
Références
1. Goudez R., et al, « Influence of different levels and sources of resistant starch on faecal quality of dogs of various body sizes », Br. J. Nutr., 2011, 106 : 211-215.
2. Peixoto M.C., et al, « Effect of resistant starch on the intestinal health of old dogs: fermentation products and histological features of the intestinal mucosa », J. Anim., Physiol., Anim. Nutr. (Berl.), 2018 ,102 : e111-e121.
Synthèse de l'étude : Effets de l’amidon résistant sur la santé intestinale des chiens âgés. Une gélatinisation insuffisante de l’amidon modifie la structure de la muqueuse du côlon.
3. Chaix G., et al, « Questionnaire-based pet owner evaluation of gastrointestinal tolerance of a new high protein-low carbohydrate diet range in adult dogs », Int. J. Appl. Res. Vet. Med., 2016, 14 : 3.
4. Leriche I, et al, « Efficacy and tolerance of two low-carbohydrate diets in large adult dogs with digestive sensitivity: a randomized, cross-over, blinded evaluation », J. Vet. Med. Surg., 2017, 1 : 17.
5. Wakshlag J.J., et al, “Effect of dietary protein on lean body wasting in dogs: correlation between loss of lean mass and markers of proteasome-dependent proteolysis”, J. Anim. Physiol. Anim. Nutr., 2003, 87 : 408-420.
6. Hewson-Hughes A.K., et al, “The effect of dietary starch level on postprandial glucose and insulin”, Br. J. Nutr., 2011,106 : S105-109.
7. Elliott K.F., et al., « A diet lower in digestible carbohydrate results in lower postprandial glucose concentrations compared with a traditional canine diabetes diet and an adult maintenance diet in healthy dogs », Res. Vet. Sci., 2012, 93 : 288-295.
Synthèse de l'étude : Une teneur limitée en glucides fait baisser la glycémie post-prandiale. L’équilibre nutritionnel de l’aliment influence les constantes plasmatiques post-prandiales.
8. Rand J.S., et al, « Diet in the prevention of diabetes and obesity in companion animals », Proceedings of the Nutrition Society of Australia, 2003 : 27: S6.
9. Carciofi A.C., et al, « Effects of six carbohydrate sources on dog diet digestibility and post-prandial glucose and insulin response », J. Anim. Physiol. Anim. Nutr., 2008, 92 : 326-336.