Le chat est physiologiquement inadapté à une alimentation riche en glucides car son équipement enzymatique pour digérer l’amidon et faire face à un afflux de glucose dans la circulation est limité.
Le chat ne possède pas d’amylase salivaire, l’activité de ses amylases pancréatiques et intestinales est très faible et sa sécrétion amylasique s’adapte mal à un accroissement du taux d’amidon dans son régime1. Lorsque ce dernier s’élève, la digestion du chat est facilement perturbée et des diarrhées peuvent apparaître2,3.
La tolérance digestive varie en fonction de l’origine végétale de l’amidon, de sa forme d’incorporation dans l’aliment et du niveau de cuisson. Une cuisson poussée est nécessaire pour modifier la structure physique des granules d’amidon et former un gel accessible à la digestion enzymatique. Plus le taux de gélatinisation est haut, plus la digestibilité de l’amidon est importante.
Lors de la cuisson-extrusion des croquettes pour chats, le taux de gélatinisation peut varier en fonction de la température, de la pression de vapeur injectée, de la durée de cuisson… De l’amidon résistant aux enzymes digestives peut également se former pendant la phase de refroidissement, par rétrogradation de l’amidon vers sa structure cristalline.
Une maldigestion de l’amidon est toujours susceptible d’affecter la digestibilité globale de l’aliment. Il a par exemple été montré chez le chat que des niveaux glucidiques trop élevés altèrent la digestibilité des protéines4.
Le métabolisme du chat est orienté vers l’utilisation des matières grasses et des acides aminés plutôt que sur celle de l’amidon. Le chat est en effet mal équipé en glycogène synthétase (servant au stockage du glycogène) et en glucokinase (permettant au glucose d’entrer dans les cellules et d’y être phosphorylé)5,6. Les chats ont donc du mal à s’adapter à l’ingestion importante de glucides ainsi qu’à contrôler l’hyperglycémie secondaire à une absorption importante de glucides.
La teneur en glucides de l’aliment a été retenue comme le facteur affectant le plus la glycémie et la sécrétion d’insuline chez le chat : plus le taux d’amidon alimentaire est important, plus le pic glycémique post prandial est élevé et durable7. Chez des chats en bonne santé, la consommation d’un régime fournissant environ 50% de l’énergie sous forme glucidique entraîne un pic plus important et une glycémie moyenne plus élevée pendant 4 à 18 heures après le repas que si l’aliment ne contient que 25% d’énergie sous forme glucidique8. L’hyperglycémie chronique stimulant excessivement la production d’insuline, elle peut ensuite favoriser l’installation d’une insulinorésistance9.
Le glucose fourni en excès aux cellules, qui ne peut être utilisé pour produire de l’énergie ni participer à la synthèse de glycogène, favorise le stockage d’acides gras dans le tissu adipeux. Un régime trop riche en amidon, distribué sur le long terme, est donc un facteur prédisposant de l’obésité4,10.
La cuisson des aliments industriels favorise des interactions entre protéines et glucides, telles que les réactions de Maillard, et la probabilité de ces réactions augmente parallèlement à la part des glucides dans l’aliment.
Les composés formés au cours de ces réactions peuvent avoir des conséquences très préjudiciables : ils augmentent la résistance à la digestion des protéines, ils peuvent augmenter l’allergénicité des protéines, donner naissance à des produits cancérigènes et réduire la biodisponibilité de certains acides aminés indispensables13.
Des études ont par exemple montré que les réactions de Maillard peuvent entraîner une différence de 61,8% entre le taux de lysine totale et de lysine réactive et que de tels écarts sont susceptibles d’induire un déficit en lysine dans les aliments14.
Risque d’intolérance digestive, prise de poids facilitée, état pré-diabétique encouragé : toutes ces conséquences négatives d’un régime alimentaire excessivement riche en glucides pour les chats sont maintenant bien identifiées. Limiter la part de l’amidon dans son alimentation est globablement favorable à sa santé15.
Références
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2. Kienzle E., et al., “Effect of carbohydrates on digestion in the cat”, J. Nutr., 1994, 124 : 2568S-2571S.
3. Coradini M., et al., “Effects of two commercially available feline diets on glucose and insulin concentrations, insulin sensitivity and energetic efficiency of weight gain”, Br. J. Nutr., 2011,106 : S64-S77.
4. Zoran D.L., “The carnivore connection to nutrition in cats”, J. Anim. Vet. Med. Assoc., 2002, 221 :1559-1567.
5. Buddington R.K., et al, “Dietary regulation of intestinal brush-border sugar and amino acid transport in carnivores”, Am. Phys. Soc.,1991, R793-R801.
6. Schermerhorn T., « Normal glucose metabolism in carnivores overlaps with diabetes pathology in non-carnivores », Front. Endocrinol. (Lausanne), 2013, 4 : 188.
Synthèse de l'étude Le métabolisme glucidique des carnivores fournit un modèle d’étude du diabète sucré chez les non-carnivores : Les carnivores tels le chat domestique présentent de nombreuses adaptations à la consommation de régimes à haute teneur en protéines et en graisses, avec peu de glucides.
7. Farrow H.A., et al., “The effect of high protein, high fat or high carbohydrate diets on postprandial glucose and insulin concentrations in normal cats”, Proceedings of Australian College of Veterinary Scientists, 2004, 4.
8. Farrow H.A. et al., “Effect of dietary carbohydrate, fat, and protein on postprandial glycaemia and energy intake in cats”, J. Vet. Intern. Med., 2013, 27 : 1121-1135.
9. Eisert R., “Hypercarnivory and the brain: protein requirements of cats reconsidered”, J. Comp. Physiol., 2011, B181 : 1-17.
10. Rand J.S., et al, « Diet in the prevention of diabetes and obesity in companion animals », Proceedings of the Nutrition Society of Australia, 2003 : 27: S6.
11. Funaba M., et al., “Evaluation of effects of dietary carbohydrate on formation of struvite crystals in urine and macromineral balance in clinically normal cats”, Am. J. Vet. Res., 2004, 65 : 138-142.
12. Lekcharoensuk C. et al., “Association between dietary factors and calcium oxalate and magnesium ammonium phosphate urolithiasis in cats”, J. Am. Vet. Med. Assoc., 2001, 219 : 1228-1237.
13. Machiels D., Istasse L., « La réaction de Maillard : importance et applications en chimie des aliments », Ann. Méd. Vét., 2002, 146 : 347-352.
14. van Rooijen, C., et al., « The Maillard reaction and pet food processing: effects on nutritive value and pet health », Nutr. Res. Rev., 2013, 26 : 1-19.
15. Verbrugghe A., Hesta M., « Cats and carbohydrates : the carnivore fantasy ? », Vet. Sci., 2017, 4 : 55.
Synthèse de l'étude Le chat et les glucides : le fantasme du carnivore ? : Prendre en compte les particularité du métabolisme glucidique du chat peut aider à mieux prévenir l’obésité et le diabète sucré dans cette espèce.