Une tendance à l’augmentation du niveau d’exposition aux antibiotiques
La vigilance de notre profession à l’encontre des traitements antimicrobiens est réelle. Les résultats spectaculaires des plans gouvernementaux Ecoantibio 1 et 2 sont à souligner (réduction de plus de 45 % de l’utilisation des antibiotiques vétérinaires, toutes filières confondues) même si la filière canine n’a pas obtenu des scores aussi élevés que dans d’autres filières. Les rapports de l’Anses (suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France) montrent une diminution du niveau d’exposition des chats et des chiens aux antibiotiques de 11,8 % depuis 2011 mais une tendance à l’augmentation du niveau d’exposition des chats et des chiens (+9,9 % par rapport à l’ALEA (Animal Level of Exposure to Antimicrobials) en 2021 par rapport à 2020).
Les raisons de cette augmentation ne sont pas faciles à interpréter, elles peuvent être conjoncturelles (augmentation de l’activité dans la filière « animaux de compagnie ») mais également la conséquence d’un relâchement dans les règles de prescription. Cette augmentation incite à ne pas relâcher les efforts réels mis en place. En cela, les associations de formation continue (comme l’AFVAC) et les laboratoires pharmaceutiques doivent maintenir leur pédagogie dans ce domaine.
Une émergence grandissante des staphylocoques méticilline résistants
Le Résapath est un réseau national de surveillance de l’antibiorésistance qui collecte les données d’antibiogrammes des bactéries pathogènes d’origine animale en France).
Son dernier bilan 2021 publié en novembre 2022 indique le niveau d’antibiorésistance à l’échelle nationale. Les Staphylococcus aureus méticilline-résistants (SARM) et les Staphylococcus pseudintermedius méticilline-résistants (SPIRM) représentent environ 10 % des S. aureus et S. pseudintermedius.
Dans une étude rétrospective menée dans une structure vétérinaire spécialisée en dermatologie (clinique vétérinaire Saint Bernard entre 2018-2022, sur 374 prélèvements de Staphylocoques isolés), le pourcentage relatif de SPIRM vis-à-vis des S. pseudintermedius sensibles à la méticilline (SPISM) évolue de 17 % (2018), 15 % (2019), 11 % (2020), 24 % (2021) à 25 % (2022). Le nombre de SPIRM multirésistants (résistants à au moins 3 classes d’antibiotiques) évolue de 6 en 2018 (75%), 6 en 2019 (75%), 5 en 2020 (83%), 14 en 2021 (70%) à 15 en 2022 (71 %).
Cette étude montre également de manière préoccupante un nombre croissant de SPIRM isolés sur des chiens atteints de pyodermites qui n’ont pas encore reçu de traitements ou moins de 3 traitements antibiotiques. Cela introduit la notion d’infection communautaire à SPIRM, c’est-à-dire une infection survenant en dehors d'un établissement de santé, par opposition à une infection nosocomiale comme ce qui pouvait être habituellement rencontré en établissement vétérinaire pour les chiens atteints de SPIRM.
Les référentiels de prescription en antibiothérapie revêtent une importance réelle, signalée dans le plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire (www.plan-antibiotiques.sante.gouv.fr).
La prescription régulière en dermatologie, principalement dans les pyodermites du chien, a été à l’origine du premier référentiel d’utilisation des antibiotiques pour une prescription raisonnée et raisonnable en dermatologie canine en 2012, réactualisé en 2016 et 2022. Ce référentiel a été rédigé par le Conseil Scientifique du Groupe d’Étude en Dermatologie des Animaux de Compagnie (GEDAC) de l’Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie (AFVAC).
Depuis, d’autres référentiels ont été proposés dans diverses disciplines et rassemblés dans des fiches de recommandations pour un bon usage des antibiotiques dont la seconde édition, publiée en 2023 est à disposition de tous les praticiens.
Ces référentiels ont été conçus selon une méthodologie de type bonnes pratiques et envisagent une catégorisation des antibiotiques utilisables et des recommandations d’utilisation.
L’European Medicines Agency (EMA) a proposé également une catégorisation AMEG³.
INFECTIONS CUTANÉES
DE SURFACE
Intertrigo
Etape 1 : topiques antiseptiques, peptides antimicrobiens et/ou topiques antibiotiques
> 1 semaine
Etape 2 (rare) si échec
ou lésions étendues : Poursuite des topiques
Antibiotiques (Cat 1) après isolement/antibiogramme
2/3 sem
Syndrome de prolifération bactérienne
Topiques antiseptiques/ peptides antimicrobiens (shampooings, mousses), antibiothérapie systémique (Cat 1a) durée initiale (3 sem), en fonction de l’évolution
PYODERMITES SUPERFICIELLES
(IMPÉTIGOS, FOLLICULITES
BACTÉRIENNES)
Si lésions localisées
topiques antiseptiques/antibiotiques
Si lésions étendues
shampooings antiseptiques, antibiotiques systémiques (Cat 1a ou 1b)
Durée 3 sem (guérison /1 sem)
Si rechute ou échec malgré traitement bien conduit
Réévaluation du cas, réalisation d’un isolement bactérien/antibiogramme et recherche cause sous-jacente
PYODERMITES PROFONDES
(FURONCULOSES)
• Isolement bactérien et antibiogramme recommandés ;
• Tonte, shampooings, antiseptiques, peptides antimicrobiens ;
• Antibiothérapie topique si lésion unique ou lésions localisées ;
• Antibiothérapies systémique et topique, catégorie 1a en première intention, voire catégorie 1b ;
Durée initiale de 4 semaines, durée totale en fonction de l’évolution (nécessité du suivi) ;
prolonger le traitement 2-3 semaines au delà de la guérison clinique
Recherche de la cause sous-jacente
PYODERMITES
PROFONDES (CELLULITES)
Isolement bactérien et antibiogramme obligatoires ;
• Tonte (anesthésie souvent), shampooings antiseptiques, peptides antimicrobiens ;
• Catégorie 1a si SPI
• Catégorie 1b (triméthoprime+sulfamide) si SPIRM
• Catégorie 2 si Pseudomonas
Durée initiale de 4 semaines, durée totale en fonction de l’évolution (nécessité du suivi) ; prolonger le traitement 2-3 semaines au-delà de la guérison clinique
Recherche de la cause sous-jacente
Catégorie 1 : antibiothérapie cutanée de choix
Catégorie 1a :
Antibiotiques ayant gardé leur activité sur SPI et ayant largement fait leurs preuves en dermatologie (>90%)
Céphalosporines 1G : céfalexine
Pénicillines résistantes aux pénicillinases: Amoxicilline + acide clavulanique
Acide fusidique (topique)
Catégorie 1b :
Antibiotiques ayant globalement une activité sur 70 à 90 % SPI
Clindamycine
Sulfamide-triméthoprim
Catégorie 2 : antibiothérapie cutanée d’importance critique
Antibiotiques uniquement utilisables sous conditions (16 mars et 18 mars 2016)
Fluoroquinolones : Enrofloxacine, marbofloxacine, pradofloxacine, ibafloxacine, orbifloxacine
Céfovécine
Catégorie 3 : antibiotiques déconseillés
Fréquentes résistances (amoxicilline, ampicilline)
Mauvaise diffusion cutanée (tétracyclines)
Toxicité potentielle (gentamicine)
Catégorie 4 : antibiotiques d’usage interdits d’importance critique humains non autorisés pour un usage en médecine vétérinaire (18 mars 2016)
Cefpodoxime, fluoroquinolones d’usage médical, pénèmes, ticarcilline, rifampicine, mupirocine,…
Accéder aux prescriptions des antiobotiques en dermatologie de l'AFVAC/GEDAC
Les plans Ecoantibio
La France a d’ailleurs été précurseur en Europe dans ce domaine avec la mise en place des plans Ecoantibio dès 2012 dont les objectifs étaient de promouvoir les bonnes pratiques de sensibiliser les acteurs, développer les alternatives évitant les recours aux antibiotiques, renforcer l’encadrement des pratiques commerciales et des règles de prescription, d’améliorer le dispositif de suivi de la consommation des antibiotiques et de l’antibiorésistance et enfin, de promouvoir la même approche à l’échelon européen et international.
Des propositions similaires ont été faites au sein de l’European Medicines Agency (EMA).
Un cadre législatif strict d’utilisation des antibiotiques dits « critiques »
Ce cadre législatif était important pour limiter l’utilisation irraisonnée et non justifiée (souvent en première intention) de certains antibiotiques (dits “critiques”).
Le décret 2016-317 du 16 mars 2016 et l’arrêté du 18 mars 20161 précisent la liste des antibiotiques critiques vétérinaires, l’interdiction d’utiliser les antibiotiques critiques humains et certaines familles d’antibiotiques humains. Ils définissent également les règles d’usage de ces antibiotiques critiques vétérinaires :
Ces dispositions sont désormais complétées par l’obligation progressive de tenir un registre d’usage des antibiotiques (Calypso). Des outils de références à disposition du praticien Un certain nombre d’outils sont disponibles pour le praticien pour le sensibiliser à la lutte contre l’antibiorésistance et l’aider pour une prescription raisonnée des antibiotiques. Le suivi des résistances aux antibiotiques Le Résapath a développé une interface web public facilitant l’accès à des données brutes sur l’antibiorésistance². Ce site permet ainsi un accès direct à une combinaison de variables d’intérêt pour le praticien (antibiotique, espèce bactérienne, espèce animale, type d’infection) en fonction de son secteur d’activité mais également d’extraire des tendances pluriannuelles, par pathologie et espèce animale.
En aucun cas, il convient de dramatiser l’émergence des staphylocoques méticilline-résistants, mais il faut être conscient de leur existence. La prévalence de ces bactéries multirésistantes implique la mise en place de recommandations thérapeutiques claires.
L’utilisation d’agents antiseptiques topiques constitue actuellement le traitement de choix pour toute pyodermite de surface ou superficielle impliquant des souches méticilline-résistantes ou multirésistantes. Si l’hôte naturel de S. pseudintermedius reste le chien, des cas humains ont été rapportés mettant en lumière son potentiel rôle zoonotique. De plus, des cas d’infections à SPIRM commencent à être décrits mettant en lumière l’impact probablement grandissant des SPIRM sur la santé humaine. Le plus inquiétant est l’apparition, certes encore rarissime, de cas sans lien épidémiologique avéré avec la présence d’un chien dans l’entourage proche du malade. L’exposition de contact favorise la transmission animal-Homme et inversement, ce qui implique l’importance de prendre des mesures hygiéniques préventives adaptées, afin de limiter les risques de contamination.
Parmi les mesures limitant l’apparition des infections cutanées à SPIRM chez le chien, il convient de respecter les référentiels de prescription, de bannir les pratiques à risque, d’éviter la multiplication des traitements antibiotiques en cas d’échecs thérapeutiques et dans ce cas, d’effectuer très vite un isolement bactérien avec antibiogramme et de développer les soins antiseptiques. Enfin, ne jamais oublier que l’apparition d’une infection à SPIRM est indépendante de la profondeur de la pyodermite !
Virbac révolutionne l’offre actuelle en accord avec les pratiques futures
Virbac a à cœur de continuer à offrir des solutions adaptées et facilitant l’observance. C’est pourquoi, depuis quelques années déjà, son catalogue d’antibiotiques s’est vu réorienté avec les molécules critiques laissées de côté mais aussi une mise en avant de spécialités de première génération.
Plus récemment, le projet "Teambiotics" a vu le jour et sera implanté dans toutes les filiales de Virbac dans quelques années. Son objectif est d'encourager un usage responsable et raisonné des antibiotiques tout en accompagnant au mieux les vétérinaires et de proposer des solutions permettant une utilisation des antibiotiques aussi peu que possible mais autant que nécessaire. Dans ce contexte, Virbac, en tant qu’acteur historique dans le domaine des médicaments vétérinaires, est légitime pour communiquer et sensibiliser sur ce sujet.
Références :
1. Antibiotiques d’importance critique. Réglementation spécifique et contraignante : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000032251629
2. https://shiny-public.anses.fr/resapath2/
3. https://www.ema.europa.eu/en/documents/report/infographic-categorisationantibiotics-use-animals-prudent-responsible-use_fr.pdf