Une poule d’un an et demi a été présentée en consultation au mois de décembre, pour l’apparition de troubles neurologiques, depuis environ 5 jours. Ces troubles se manifestent par la présence de tremblements, une modification de la démarche avec hypermétrie, ainsi que de l’ataxie et des pertes d’équilibre. Les signes sont arrivés rapidement, tandis qu’avant cela, la poule se portait très bien. Les congénères ne sont pas atteints.
La poule reste en forme, bien qu’elle peine à se déplacer, et elle a bon appétit, à condition que les aliments lui soient apportés à proximité pour qu’elle y ait accès. Ses fientes sont d’apparence normale.
Il s’agit d’une poule issue d’un sauvetage, que ses propriétaires ont adoptée il y a un an. Comme sa congénère, elle vit en liberté dans le jardin, et a accès à un poulailler pour la nuit et pour la ponte. Les poules du voisin, originaires du même élevage, ont également accès à ce jardin et les propriétaires nourrissent tout le groupe.
La poule qui nous intéresse ici n’a pas d’antécédent médical connu. Elle a toutefois fait une « couvade » pendant 3 mois ; période pendant laquelle elle n’est sortie de son poulailler que pour boire et manger, et sa crête était décolorée.
A titre préventif contre les parasites externes, les propriétaires appliquent de la terre de diatomée sur le plumage des poules, de manière régulière.
Concernant le régime alimentaire, les poules reçoivent des graines pour poules pondeuses, ainsi que des restes de table (riz, pâtes) et des œufs.
A l’examen clinique, la poule présente une crête petite et pâle, mais reste vive (Vidéo) Elle n’est pas capable de se tenir debout, de maintenir son équilibre seule, et de se déplacer : elle s’appuie sur la face plantaire de ses tarso-métatarses, et non sur ses doigts, et garde les pattes écartées, portées latéralement. A la palpation, ses pattes et ses ailes apparaissent normales (absence de gonflement, de fracture, ou d’autre anomalie palpable), et de la nociception est présente lorsque les tests sont réalisés au niveau des membres postérieurs.
Concernant le reste de son examen clinique, la poule est normotherme (40,9°C) et présente une auscultation cardiaque et respiratoire, ainsi qu’une palpation coelomique normale. Des graines sont présentes dans son jabot, en quantité normale.
Vidéo 1 : Poule présentant des signes neurologiques périphériques : incapacité à tenir debout et perte d’équilibre.
Le diagnostic différentiel pour une neuropathie périphérique chez un oiseau inclut, entre autres, une infection virale telle que la maladie de Marek (herpèsvirus), une infection bactérienne ou parasitaire, une carence en vitamine B (et notamment en riboflavine), une hypocalcémie, une intoxication aux métaux lourds, un traumatisme, etc.
Dans un premier temps, des radiographies et un bilan biochimique ont été réalisés et n’ont pas apporté d’informations supplémentaires. D’autres recherches n’ont pas été effectuées lors de la première consultation.
Un premier vétérinaire a d’abord tenté un traitement médical "probabiliste", plaçant la poule sous meloxicam et oxytétracycline pendant 7 et 15 jours, respectivement. Il a été recommandé aux propriétaires d’installer leur poule au chaud et au calme, dans un grand carton, à l’intérieur.
Les propriétaires sont venus en consultation de contrôle 15 jours plus tard et ont relaté que l’état de leur poule était stationnaire : elle n’est toujours pas capable de marcher et a beaucoup de mal à se lever. Elle est capable de battre des ailes et s’alimente bien. L’hypothèse d’une carence en riboflavine (vitamine B2) leur a été évoquée à ce moment-là, et les conseils alimentaires ont été donnés. En effet, le régime alimentaire proposé est inadapté et peut occasionner des carences en minéraux et en vitamines. Un aliment complet, sous forme d’extrudés, a donc été conseillé. De plus, une supplémentation en riboflavine, à raison de 100 µg par jour, en deux prises quotidiennes, a été prescrite, pendant 3 jours. Le complément multivitaminé pour poules Vitavia®, a été choisi pour cela. Il a été ensuite recommandé d’ajouter ce complément à l’alimentation de toutes les poules, tous les jours pendant la période hivernale.
Figure 2. Composition du complément multivitaminé Vitavia® : teneur en différentes vitamines.
Fiche MedVet Vitavia
Un mois plus tard, les propriétaires ont donné des nouvelles de leur poule, qui allait beaucoup mieux. Suite à la deuxième consultation, son état a été stable pendant une semaine, puis une amélioration a été observée de jour en jour. La poule a d’abord réussi à se redresser seule, à se tenir debout sur ses doigts, puis à faire quelques pas normaux, et finalement, ses signes neurologiques ont complètement disparu. Les propriétaires ont continué d’administrer quelques gouttes du complément Vitavia® quotidiennement sur les graines, pendant tout l’hiver. Au début du printemps, il leur a été proposé de diminuer à une administration bi-hebdomadaire.
Figure 3. La même poule que celle de la Figure 1, un mois après l’administration de vitamines VITAVIA®, d’abord per os, puis dans son alimentation.
En absence d’examen complémentaire spécifique, ce cas ne permet pas une confirmation d’une carence en vitamine B2 chez cette poule. Toutefois, la réponse, rapide et complète, à l’administration du complément Vitavia®, amène à une forte suspicion. Ce cas permet de rappeler l’importance de l’apport de vitamines dans l’alimentation des poules, qu’elles soient hydrosolubles ou liposolubles ; ainsi que l’importance d’offrir un régime alimentaire complet et adapté au stade de vie de la poule.
De nombreux tissus peuvent être affectés par une carence en riboflavine, mais les gaines de myéline des principaux nerfs en sont la cible principale. Cette vitamine du groupe B est également importante pour la production et l’éclosion des œufs. Lorsque l’alimentation est pauvre en vitamines, ce sont généralement les signes cliniques associés à cette carence qui apparaissent en premier. Un signe clinique typique chez les poussins est la paralysie des doigts, qui restent courbés sur eux-mêmes. Les animaux atteints peuvent aussi être amaigris, réticents à marcher, se déplaçant sur les articulations tibio-tarso-métatarsiennes. Pour les stades avancés, les membres postérieurs peuvent être maintenus en extension, parfois dans des directions opposées.
Les besoins en vitamine B2 sont plus importants chez le poussin et ils diminuent avec l’âge. La dose de 100 µg par jour est celle recommandée chez les jeunes individus. Il est possible qu’une dose plus faible soit suffisante chez la poule adulte. Certains signes cliniques, tels que les doigts recourbés, peuvent ne pas disparaitre si les dommages au niveau du nerf sciatique sont irréversibles.
- Vitamin Deficiencies in Poultry, by Doug Korver, PhD, University of Alberta Reviewed/Revised Apr 2023 | Modified Sept 2024
- Fiche technique Vitavia®