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Autour de l'oeuf : prévention nutritionnelle chez les poules

Dr Minh Huynh
Dip. DV, MRCVS European College of Zoological

L'œuf est un aliment unique en son genre, facilement disponible et produit par les poules de compagnie comme en élevage industriel. La production de ces œufs nécessite un effort physiologique intense. Que ce soit chez les particuliers ou dans les petits élevages, il y a bien souvent des aléas nutritionnels qui produisent de nombreuses anomalies : oeufs mous, rétention d'oeuf, impaction... Quelques clés de compréhension sont nécessaires pour remédier à ces problèmes et améliorer facilement la qualité des œufs obtenus.

1. La formation de l'oeuf

L'oeuf est issu de l'ovulation régulière et spontanée de poules sélectionnées pour la ponte. Seul l'ovaire et l'oviducte gauche est présent (Figure 1). La grappe ovarienne est constituée de follicules dont chaque sphère est un ovocyte qui a accumulé du vitellus. La croissance de ce follicule est rapide, il passe de 200mg à 15-18g en 24h. 

  • Lors de l'ovulation, le pavillon se rapproche de la grappe ovarienne et se plaque contre l'ovule. Le processus dure entre 15 à 30 minutes. L'ovocyte s'engage alors dans l'oviducte. 
  • Lors de la traversée de l'oviducte, l'albumen est déposé dans le magnum (pendant 3 heures)
  • puis la membrane coquillière dans l'isthme (pendant 1 à 2 heures). 
  • Par la suite, dans l'utérus, une solution saline hydrate l'albumen et la glande coquillère sécrète trois dépôts successifs qui constituent la coquille: la couche mamillaire, spongieuse et cuticulaire (20h). Les pigments se déposent à ce moment. L'œuf traverse enfin le vagin qui assure le transit vers l'oviposition.  

Au total, la formation de l'œuf dure environ 25h à 26h.

Plusieurs facteurs influent sur la qualité de l'œuf. La formation de la coquille requiert une grande quantité de carbonate de calcium. La quantité nécessaire pour la fabrication de la coquille excède largement la quantité apportée par l'alimentation. Les 10 à 30% manquant sont mobilisés par l'os médullaire (Brugere-Picoux 2015). Ce stock doit être constitué avant la ponte.  
Les oiseaux utilisés trop précocement ou trop  stimulés présentent une ovulation irrégulière, des oeufs à deux ou trois jaunes et des perturbations de calcification (Figure 2 et 3). Outre les facteurs physiologiques, des agents infectieux peuvent influer sur la déformation de la coquille tel que la bronchite infectieuse ou le syndrome chute de ponte.

 

2. Les besoins nutritionnels

Un rapport phosphocalcique (Ca/P) de 2:1 est recommandé à l'entretien. La poule peut également s'adapter à des rapports de 0.5:1 si les apports en vitamine D sont adéquats (Weaver 1989). Chez la poule pondeuse, le rapport Ca/P peut s'approcher de 10:1 soit 5 à 10 fois le besoin d'entretien (Brue 1994).

La vitamine D est indispensable à l'homéostasie calcique, elle est apportée en partie par l'alimentation et aussi par la conversion de la provitamine D sous l'action des UV sur la peau. Les besoins en UV chez la poule sont estimés à 45 minutes de soleil par jour (Brue 1994). L'importance de la vitamine D3 est d'autant plus cruciale que les apports de calcium sont déficients. 

Pour favoriser la fixation du calcium, le magnésium est indispensable. Cet apport est souvent négligé dans l'alimentation au détriment de l'apport en calcium. Le magnésium est absorbé par voie digestive conjointement au calcium et au phosphore. Plus la demande en calcium est forte, plus les besoins en magnésium augmentent. Chez des poules hypocalcémiques, la complémentation en calcium seule ne permet pas de rétablir des niveaux de calcium physiologique. En revanche, la supplémentation en magnésium permet d'augmenter l'absorption de calcium même avec une alimentation hypocalcique (Weaver 1989).

Plusieurs erreurs classiques en nutrition sont relevées dans les élevages familiaux. La première est la dilution des nutriments (Applegate 2015). Malgré l'utilisation d'un aliment commercial, l'éleveur peut diluer les nutriments en ajoutant des graines à la ration alimentaire. Hors, bien que ces graines apportent un enrichissement bienvenu pour le comportement des poules, elles appauvrissent la teneur en minéraux de la ration. A fortiori, l'utilisation d'une ration alimentaire à base de graine seule, a des risques importants de carence (voir Tableau). Notez que certains aliments industriels ont parfois un rapport phosphocalciques inadéquat ou un apport en calcium inférieur aux recommandations.


Tableau comparatif des apports nutritionnels en calcium, phosphore et magnésium des aliments traditionnels comparé aux besoins nutritionnels d'une poule en période de ponte.

 

Besoin nutritionnel (d'après les recommandations du National Research Council) pour 100g de nourriture

Alimentation industrielle/100g

Alimentation en graine (type blé-maïs)/100g

Calcium

3.4%

1,9 à 3,4%

0,01 à 0,3%

Phosphore

0,32%

0,6% à 0,5%

0,03 à 0,7%

Magnésium

500 ppm

Non mentionné

250 à 1000 ppm

D'autres erreurs classiques sont observées : l'utilisation d'un aliment inadapté pour l'âge de l'oiseau (utilisation d'un aliment junior lorsque la poule est en ponte ou vice versa), ou utilisation de suppléments vitaminiques et minéraux périmés.

 

3. Compléments alimentaires 

Compte tenu de l'extraordinaire demande en calcium par l'organisme des poules en ponte, la supplémentation en calcium est impérative si on a un rythme de ponte soutenu (plus de 5 œufs par semaine). Cette supplémentation doit se faire pendant la phase de ponte. Une supplémentation excédentaire ne semble pas avoir d'effet négatif sur la production des œufs et améliore sans surprise, la teneur en calcium des os des poules et des œufs (Atteh 1983, Rodrigues 2012). 

La supplémentation en calcium peut se faire sous la forme de particules qui seront lentement résorbées par le gésier. On peut par exemple utiliser des coquilles d'huîtres ou broyer les coquilles d'œuf que les poules ont produites. Ces particules seront ingérées et seront retenues dans le proventricule pendant la nuit, heures pendant lesquelles la formation de la coquille de l'œuf se fait. Une supplémentation dans l'eau de boisson avec l’aliment complémentaire BIOCALPHOS, en particulier le matin, est souhaitable pour aider la poule à reconstituer son stock de calcium osseux et finir la calcification de l'œuf. Cette supplémentation doit être fournie pendant toute la période de ponte, en particulier lorsque la photopériode externe est supérieure à 12h d'éclairement.

Enfin l'utilisation de vitamine hydrosoluble et liposoluble dans l'eau de boisson avec l’aliment complémentaire polyvitaminé VITAVIA améliore globalement la conversion alimentaire, la qualité de la coquille d'oeuf et la couleur du jaune d'oeuf qui est plus prononcée (Thuy 2019). Ces vitamines peuvent être apportées par des aliments industriels complets de type granulés mais l'utilisation de graines dans le mélange impose une supplémentation vitaminique et minérale.

 

Conclusion

Compte tenu du rythme de production particulièrement élevé des poules pondeuses, une supplémentation minérale et vitaminique est impérative si on utilise uniquement ou en partie un mélange de graine ou une ration ménagère. Cette supplémentation permettra de prévenir les anomalies d'œuf mais aussi d'autres maladies plus graves telles que les rétentions d'œuf, les fractures pathologiques et les pontes abdominales.

Figure 1 : Anatomie du tractus reproducteur chez la poule.

tractus-reproducteur.jpg

 

Figure 2 : Oeuf de coloration anormale chez une poule carencée, la calcification n'est pas complète.

oeuf-coloration-anormal.jfif

 

Figure 3 : Oeuf irrégulier et œuf fêlé chez une poule carencée. 

oeuf-irregulier.jfif

 

Références

Applegate TJ. Backyard Poultry Nutrition. In : Greenacre C.B. Morishita T. Backyard poultry medicine and surgery, Wiley Blackwell 2015, 72-81
Atteh JO, Leeson S. Influence of increasing dietary calcium and magnesium levels on performance, mineral metabolism, and egg mineral content of laying hens. Poult Sci. 1983 Jul;62(7):1261-8. doi: 10.3382/ps.0621261.
Brue R. Nutrition in : Ritchie Harrisson Harrisson Avian medicine Principles and application. 63-95
Brugere-Picoux, J. Particularité de la physiologie des oiseaux. in: Manuel de pathologie aviaire. AFAS 2015.
National Research Council. (1994) Nutrient Requirements of Poultry, 9th rev. edn, National Academy Press, Washington, DC.
Thuy N T 2019 Effect of adding vitamins and minerals in powder or aqueous form on egg production of hens in the late stage of the laying cycle. Livestock Research for Rural Development. Volume 31, Article #159.
Rodrigues, E. A., Oliveira, M. C. de, Cancherini, L. C., Duarte, K. F., Santana, L. F., & Junqueira, O. M. (2012). Calcium in pre-laying and laying rations on the performance and quality of laying hens’ eggshell. Acta Scientiarum. Animal Sciences, 35(2), 153-157.
Weaver VM, Welsh J. Vitamin D metabolism in magnesium deficient chicks. Nutr Res. 1989;9(12):1363–1369.