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La vaccination raisonnée au quotidien

Dr Ludovic Freyburger
Docteur vétérinaire, PhD, Directeur Médical – VetOne Consultant en médecine préventive – VetAgro Sup Président du Groupe d’Etude en Médecine Préventive – AFVAC

L’activité de vaccination est un des piliers fondamentaux de la consultation de médecine préventive et un élément important de la relation entre le propriétaire et la clinique. Régulièrement depuis plusieurs années, des groupes d’experts nationaux et internationaux éditent des recommandations prônant une vaccination raisonnée et individualisée. Où en sommes-nous en pratique ?

La médecine préventive est une discipline clinique qui repose sur la personnalisation de la recommandation, qui s’applique donc à la vaccination. La vaccination évolue en fonction des connaissances scientifiques, de la pression infectieuse, de l’offre vaccinale dont disposent les praticiens. Une forte composante sociétale est également présente. À l’heure de la pandémie actuelle, deux éléments majeurs au moins ont eu un impact sur les pratiques vaccinales en clinique.

 

Impact de la Covid sur la vaccination animale

Le premier confinement entre mars et mai 2020 a vu la recommandation de limiter les actes de médecine préventive et donc de vaccination s’appliquer. La reprise des protocoles de vaccination a créé un désarroi chez les vétérinaires par manque d’informations sur les protocoles de vaccination. Un consensus de reprise des protocoles de vaccination a été rédigé par les enseignants de médecine préventive des écoles vétérinaires et des membres du bureau du GEMP1 de l’AFVAC2. Ce consensus a fait l’objet d’une publication en libre accès. Une large diffusion de ce consensus a eu lieu et nombre de praticiens utilisent dorénavant au quotidien les tableaux de protocoles vaccinaux fournis en annexe.

Des études régulières, dont la première publiée en 20163, analysent le comportement des populations par rapport à la vaccination, et - malheureusement – la France fait figure de pays méfiant vis-à-vis de la vaccination. Là où les propriétaires d’animaux ont été, depuis plusieurs années, de plus en plus enclins à se renseigner et discuter les propositions des praticiens en termes de vaccination (pour ne citer qu’un seul exemple : « pourquoi vaccine-t-on les chiens/chats tous les ans, alors que chez l’humain ce n’est pas le cas ?), la mise en avant dans l’actualité depuis plusieurs mois des vaccins contre la COVID a eu comme effet positif de faire prendre conscience aux propriétaires de l’importance de la vaccination au niveau d’une population, et a souvent été à l’origine de discussion sur la vaccination de l’Homme et des animaux de compagnie en consultation.

 

Les différentes recommandations vaccinales

La mise en place de protocoles vaccinaux raisonnés s’est donc accélérée, reposant sur une démarche par analyse du risque infectieux incontournable en médecine préventive.

Lorsque le praticien décide de faire évoluer ses pratiques vaccinales, il se trouve confronté à la multiplicité des recommandations vaccinales : WSAVA4, AAHA5, AAFP6, ABCD7, recommandations françaises, AMM, conseils des laboratoires pharmaceutiques. Une recommandation se fonde sur des données scientifiques prouvées, des données d’innocuité et d'efficacité des vaccins, des connaissances sur la physiopathologie et l’épidémiologie de la maladie, et sur des consensus/ avis d’experts. Elle s’applique dans un contexte géographique donné (monde, région, pays). En fonction des experts concernés, lorsque les données scientifiques ne sont pas suffisamment étayées par des publications, ou lorsque les publications n’existent pas, les avis peuvent sensiblement diverger. Enfin, la façon dont la recommandation est rédigée a son importance, et sortir une phrase du contexte peut aboutir à une recommandation erronée qui sèmera le doute dans la communauté. En 2020, la publication des recommandations par l’AAFP/ AAHA concernant la vaccination du chat en est un exemple flagrant. L’AAFP classe, en effet, la valence FeLV comme étant essentielle chez les chats de moins d’un an, puis circonstancielle chez le chat de plus d’un an, incitant donc à vacciner tous les chats contre l’infection par le FeLV lors des vaccinations du jeune chat, contrairement à la position de la WSAVA qui considère la valence circonstancielle quel que soit l’âge de l’animal. La lecture du texte original montre que les experts considèrent que « le mode de vie d’un chaton et le risque d’exposition au FeLV changent fréquemment après l’adoption » et que par conséquent il est nécessaire de vacciner tous les chats contre  le FeLV. Il s’agit donc d’une lecture plus stricte du protocole à mettre en place.

 

citation3.pngLa médecine préventive repose sur la personnalisation de la recommandation, qui s'applique à la vaccination.

 

 

 

Vers une démarche personnalisée

dialogue entre vétérinaire et propriétaire

Dans l’approche médecine préventive de la vaccination qui passe par l’analyse du risque infectieux, le praticien doit prendre le risque du changement de mode de vie en considération, ce qui peut amener soit à proposer immédiatement la vaccination lorsque le risque est avéré (chat par exemple qui sort ou qui est amené avec certitude à être en contact avec d’autres chats au statut infectieux non maîtrisé), soit à proposer une nouvelle analyse de risque à l’adoption avec les nouveaux propriétaires, soit à proposer de ne pas vacciner le chat avant qu’un changement radical de mode de vie avec apparition du risque ne soit envisagé.

Quoi qu’il en soit le praticien expliquera les bénéfices et risques résiduels de chacune des solutions envisagées pour que le propriétaire en comprenne les avantages et les limites. Cette démarche personnalisée montre à quel point une réflexion est nécessaire pour éviter de (re)tomber dans une vaccination systématique des chats contre une maladie dont la prévalence aurait fortement chuté depuis la mise en place de la vaccination en France.

L’application d’une recommandation nécessite donc de prendre du recul et de ne pas interpréter des extraits qui tendraient à montrer que les experts ne sont pas d’accord entre eux, et contribuerait ainsi à perdre le praticien. Pour aider le praticien au quotidien, les experts français publient depuis quelques années des recommandations, en français, qui lui permettent sur l’appui des recommandations internationales d’appliquer les protocoles personnalisés et raisonnés à la situation connue en France.

 

Références :

1. Groupe d’Étude en Médecine Préventive
2. Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie
3. Larson et al. (2016). The state of vaccine confidence 2016: global insights through a 67-country survey. EbioMedecine, 12, pp. 295-301.
4. World Small Animal Veterinary Association
5. American Animal Hospital Association
6. American Association of Feline Practitioners
7. Advisory Board on Cat Diseases