L’objectif de la vaccination est de stimuler une réponse immunitaire spécifique permettant d’induire une réponse protectrice durable. Pour que la réponse vaccinale soit protectrice, il faut que les effecteurs soient en nombre suffisant mais aussi qu’ils soient adaptés. Il faut donc que les signaux envoyés par le vaccin orientent correctement la réponse immunitaire. Toute réponse immunitaire spécifique commence par une réponse inflammatoire. Cette réponse inflammatoire est indispensable pour permettre le recrutement des cellules immunitaires qui prendront en charge le vaccin. Elle permet également au système immunitaire d’identifier la nature de l’Ag et d’adapter le profil de la réponse spécifique. C’est l’immunogénicité du vaccin, c'est-à-dire sa capacité à induire une bonne réponse immunitaire.
Pour les carnivores domestiques, il existe trois grands types de vaccins : les vaccins vivants atténués, les vaccins vectorisés et les vaccins inertes.
Les vaccins vivants atténués infectent les cellules de l’hôte, se répliquent et miment les premières étapes de l’infection. Ces vaccins sont très immunogènes. Les vaccins vectorisés infectent les cellules, miment les premières étapes de l’infection mais, chez les carnivores domestiques, ne sont pas réplicatifs. Ces vaccins sont moins immunogènes que les vaccins vivants, mais ils orientent la réponse immunitaire vers le profil souhaité. Les vaccins inertes (inactivés ou sous-unités) sont non réplicatifs et peu immunogènes. De plus, n’étant pas capables d’infecter les cellules, ils induisent principalement une réponse de profil Th-2. Ces vaccins ont très souvent besoin d’être adjuvés pour induire une bonne réponse immunitaire. Par définition, un adjuvant est une substance qui ne génère pas de réponse immunitaire contre elle-même mais qui améliore l’immunogénicité de l’Ag associé. L’adjuvant permet la mise en place de la réponse inflammatoire et de la réponse spécifique (Figure 1). Les principaux adjuvants utilisés chez les carnivores domestiques sont décrits dans le tableau 1.
Figure 1 : Fonctionnement des adjuvants
Effet dépôt |
Mode action |
Profil de la réponse induite |
|
---|---|---|---|
Sels aluminium |
OUI |
Activation de l'inflammasome |
Th-2 |
Dérivés des saponines |
NON |
Blocage signalisation Th-2 |
Th-1 |
Carbomères |
OUI |
Non identifié |
Pro Th-1? |
Huile de paraffine | OUI | Non identifié |
Th-2 |
Tableau 1 : Caractéristiques des principaux adjuvants utilisés dans les vaccins destinés aux chiens et aux chats.
L’activation de la réponse inflammatoire lors de la mise en place d’une réponse vaccinale est responsable d’un phénomène appelé la réactogénicité vaccinale. Il s’agit d’une réponse physiologique. Son intensité et sa durée sont très variables en fonction des vaccins mais aussi des individus. Elle s’observe avec tous les vaccins, adjuvés ou non.
Cliniquement, cela peut se traduire par une réaction au point d’injection (œdème, nodule, douleur...) et/ou une réaction systémique (apathie, perte d'appétit, fièvre...). La réactogénicité doit être d’intensité et de durée limitées.
La propriété princeps des adjuvants est d’induire un signal inflammatoire permettant de favoriser l’activation des cellules immunitaires. Ils peuvent donc participer au phénomène de réactogénicité. Le premier critère de sélection d’un adjuvant, avant son efficacité, est son innocuité.
Il existe un suivi de l’innocuité de tous les adjuvants présents dans les vaccins. Par exemple, les sels d’aluminium, qui sont des adjuvants très utilisés, aussi bien en médecine vétérinaire qu’humaine, ont un excellent profil d’innocuité, malgré les fausses informations qui circulent.
L’évaluation de l’innocuité nécessite le suivi au niveau d’une population (et pas d’un individu) de l’incidence de l’apparition d’effets indésirables dans la population traitée, en comparaison de l’incidence du même effet dans une population contrôle. Un suivi individuel ne permet pas de faire la différence entre un lien causal et un lien temporel.
De très nombreuses données, avec des études rétrospectives mais aussi prospectives, sont disponibles en médecine humaine. Elles concluent toutes à l’absence de lien entre développement de maladies chroniques et vaccination, que ce soit avec les vaccins adjuvés ou non adjuvés.
Les données disponibles en médecine vétérinaire sont moins nombreuses et sont souvent uniquement des études rétrospectives.
Il existe deux études majeures, réalisées aux USA, qui ont évalué la fréquence d’apparition d’effets secondaires post-vaccinaux, la première sur plus d’un million de chiens (Moore et al. 2005) et la deuxième sur un peu plus de 500000 chats (Moore et al. 2007). Ces 2 études apportent la preuve de l’excellente innocuité des vaccins destinés aux chiens et aux chats. Deux études rétrospectives françaises, réalisées en collaboration par l’ANMV et l’ENVT, confirment les données américaines (Lohezic et al. 2018, Monier et al. 2020). La fréquence des effets secondaires reste faible, la majorité étant liée à la réactogénicité des vaccins. Les deux études démontrent la très bonne innocuité des vaccins disponibles en France.
On observe une baisse importante de l'incidence des fibrosarcomes chez le chat, alors que la couverture vaccinale augmente progressivement.
Parmi les effets secondaires graves associés à l’utilisation des adjuvants vaccinaux, un débat persiste sur le risque d’apparition de fibrosarcomes suite à la vaccination chez le chat.
Tout a commencé dans les années, 1980 par l’observation d’une augmentation de l’incidence des fibrosarcomes chez le chat. A la même époque, de nouveaux vaccins, adjuvés, ont été développés pour le chat. L’association des deux phénomènes correspond à un lien temporel. Il était nécessaire de vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un lien causal, i.e. que les vaccins adjuvés étaient responsables de l’apparition des fibrosarcomes. Le mécanisme proposé pour soutenir ce lien causal était le rôle de l’inflammation dans le développement des fibrosarcomes. A l’heure actuelle, l’ensemble des données de la littérature ne permet pas d’établir la preuve d’un lien de causalité entre adjuvants et apparition de fibrosarcomes.
Dans l’étude américaine, 428 chats ont présenté une réaction locale au site d’injection. Ces chats ont été suivis pendant 1 à 2 ans et aucun n’a présenté de fibrosarcome. Dans l’étude française, l’incidence des fibrosarcomes post vaccination était extrêmement faible (0.003 pour 10 000 chats vaccinés). La moitié des déclarations concernait des vaccins adjuvés, l’autre des vaccins non adjuvés. On observe une baisse importante de l’incidence des fibrosarcomes chez le chat, alors que la couverture vaccinale augmente progressivement. Il n’existe donc toujours pas d’explication à l’augmentation de l’incidence observée dans les années 1980 mais le rôle des vaccins adjuvés n’a jamais pu être montré.
Les adjuvants sont indispensables pour les vaccins peu immunogènes. Ils permettent d’induire une réponse protectrice et durable. Les données expérimentales et de terrain montrent toutes que la balance bénéfice/risque est largement en faveur des vaccins, y compris pour les vaccins adjuvés.