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JNGTV 2021 : Santé du veau, conseiller grâce aux suivis colostraux

Le colostrum, outre ses propriétés essentielles pour le veau, devient un véritable indicateur de la maîtrise d'une période critique de l'élevage.

Le projet COQC (Qualité et Observatoire de la Qualité Colostrale), présenté au Congrès National des GTV 2021, donne naissance à la première base de données française de la qualité colostrale en élevage laitier et allaitant. Elle est créée par la récolte et la mesure par réfractomètre de la qualité de plus de 2300 colostrums, partout en France. Onze races de vaches y sont représentées. 

Introduction

Le veau est tributaire du transfert d'immunité maternel via le colostrum, du fait de sa naissance agammaglobulinémique. L'importance de ce dernier est soulignée lors de déficit en Transfert d'Immunité Passive (TPI), qui se traduit par une augmentation du risque de mortalité (x2,1), de troubles respiratoires (x1,8) et de troubles digestifs (x1,5)1. Le TPI est fortement lié à la qualité du colostrum de la mère. Cette dernière peut être estimée par la mesure de son degré Brix au moyen d'un réfractomètre. 

En effet, une étude a montré que le TPI a 2,9 fois plus de chances d'être correct lorsque la valeur Brix du colostrum dépasse les 24,5 %2. Pour maximiser les chances d'élever un veau en bonne santé, la prise rapide et en quantité suffisante d'un colostrum de qualité fait partie des premiers conseils de prévention des vétérinaires à leurs éleveurs. La qualité colostrale est soumise à de nombreux faceteurs de variation liés à la mère et à sa conduite dans le troupeau.3  (Figure 1)

L'évaluation d'une qualité colostrale isolée ou en faible nombre, compte tenu de l'imprécision de la mesure Brix4 ne peut renseigner l'éleveur et son vétérinaire sur la bonne approche globale du troupeau et sur la qualité de la préparation des mères au vêlage. Un suivi colostral sur un nombre suffisant d'animaux présente un intérêt notable4. Or cette pratique est encore peu répandue : seul 1 éleveur sur 4 a déjà mesuré le colostrum de ses vaches et 1 sur 10 a déjà fait du suivi colostral à proprement parler5. C'est ici que le vétérinaire tient un rôle important : d'après une récente étude, les éleveurs sont demandeurs de conseils et d'accompagnements de la part de leur vétérinaire dans le suivi de leurs pratiques afin d'améliorer leur approche préventive, comme la vaccination6.

En juin 2020, le laboratoire Virbac a lancé le programme COQC : Conseil et Observatoire de la Qualité Colostrale. Il permet à la fois de créer la première base de données nationale de la qualité colostrale sur un grand nombre d'élevages représentatifs de la diversité du territoire français et d'accompagner le vétérinaire dans la mise en place de suivis colostraux chez ses éleveurs désireux de progresser en matière de santé du veau. 

Cet article présente des résultats intermédiaires de l'observatoire national pour la campagne 2020 et notamment leur utilisation possible sur le terrain par le vétérinaire et son éleveur. 

 

Matériels et méthodes

À ce jour, 68 élevages bovins (56% laitiers / 44% allaitants) français volontaires avec une moyenne de 89 vêlages ont déjà participé à cet observatoire. Ils ont été sélectionnés par 28 structures vétérinaires partenaires de Virbac, dont le critère de recrutement était d'avoir rencontré une problématique "santé du veau" dans les années précédentes et de vouloir progresser dans ce domaine. 

Les éleveurs ont été formés à la mesure colostrale au moyen du réfractomètre optique (ou de Brix), cette méthode permettant d’extrapoler le plus précisément7 la concentration en IgG dans les colostrums selon la formule de Bielmann8: Concentration (en g/l) = (%brix–17,943) / 0,0865.

Sur la période de vêlages 2020-2021, il a été demandé à chaque éleveur de fournir des données d'ordre générale sur son élevage : la race, le nombre de vêlages, l'orientation, le taux de mortalité lié à une diarrhée néonatale... L'éleveur devait ensuite mesurer les qualités des colostrums d'au minimum 30% des mères, avec un minimum de 20 animaux dans les élevages ayant moins de 60 vaches, le jour du vêlage ou de la césarienne. 

Le prélèvement était réalisé juste avant ou juste après le vêlage, mais il devait être de première buvée. Les données ont été recensées dans un tableur et validées avant analyse par les vétérinaires. Les informations complémentaires associées à chaque mesure étaient la date de vêlage, le rang de vêlage, la durée de tarissement, si elle est pratiquée la date de vaccination entérites néonatales et la spécialité utilisée, si elle est pratiquée la date de déparasitage interne et la spécialité utilisée, l'utilisation d'une supplémentation en oligoéléments dont le sélénium et sa forme galénique, l'intervalle vêlage / mesure colostrale. Ces paramètres étudiés dans le projet peuvent être "subis" et servent alors à la comparaison avec d'autres élevages ou "maîtrisables" et sont alors utiles pour appuyer la marge de progrès pour chaque éleveur. (Figure 1). 

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(Figure 1) Facteurs de variation de la qualité colostrale étudiés dans COQC
 

> Paramètres étudiés maîtrisables
> Paramètres étudiés subis

Les qualités colostrales issues de ces 68 élevages ont été centralisées et analysées au moyen de statistiques descriptives. La qualité des colostrums a été catégorisée en 4 groupes en se basant sur leur concentration en IgG:  « mauvais » : [IgG]<50 g/l,« moyen »: 50 g/l<[IgG]<80g/l,« bon »:80 g/l<[IgG]<50 g/, « excellent »: [IgG]>110g/l.

 

Résultats

Population recrutée et taux de mesure

Les vétérinaires partenaires de Virbac ont pu constituer un échantillon composé de 30 élevages allaitants et 38 élevages laitiers avec un total de 11 races différentes. (Figure 2)

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figure2.1-article-coqc-gtv

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(Figure 2) Répartition des élevages selon la race et le type de production

En moyenne 34 colostrums ont été évalués par élevage pour un total de 2293 données colostrales.

 

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(Figure 3) Taux de mesure moyen selon le type de production

Un taux de mesure moyen de 38% démontre de la faisabilité des suivis colostraux. Au maximum 127 colostrums ont été enregistrés dans un élevage. Et 12 élevages ont fourni plus de 50 colostrums.

 

Variabilité inter-élevages

Concernant la qualité des colostrums récoltés, une variabilité importante est notée entre les différents troupeaux de l’étude, avec des moyennes de troupeau estimées entre 42 et 132 g IgG/L. La répartition des moyennes de concentration en IgG par élevage suit la répartition décrite dans la Figure 4. 

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(Figure 4) Répartition des élevages étudiés selon leurs moyennes de concentrations en IgG

Dans la globalité, 28% des élevages présentent une qualité colostrale moyenne excellente, 31% bonne, 35% moyenne, 6% mauvaise. On constate que les élevages laitiers et allaitants de notre échantillon présentent une différence de concentration en IgG importante : les moyennes des colostrums allaitants sont largement supérieures à leurs homologues en laitier.

 

Variabilité intra-élevages

Au sein de chaque élevage, une analyse des données individuelles peut être effectuée, elle permet d'observer la répartition des qualités des colostrums en fonction de la conduite des lots d'animaux. Nous présentons ici la répartition de deux élevages ayant tous deux de très bons résultats en moyenne (Figure 5). Les deux élevages sont de race Aubrac, l’élevage A en bleu a enregistré 36 colostrums (moyenne d’élevage: 106g IgG/l) et l’élevage B en orange 67 colostrums (moyenne d’élevage: 108g IgG/l).

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(Figure 5) Comparaison de la répartitio des qualités colostrales au sein de deux élevages

Les deux élevages ont une qualité colostrale moyenne identique mais pour l'élevage A, l'écart type des concentrations en IgG est de 18 alors qu'il est de 62 pour l'élevage B. La répartition est plus homogène pour l'élevage A que pour l'élevage B où certains colostrums de mauvaise qualité sont compensés par des colostrums excellents. 

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(Figure 6) Evolution des qualités colostrales des deux élevages au cours de la saison de vêlages

L'analyse de l'évolution des qualités colostrales au cours de la saison de vêlages (Figure 6) révèle une différence de gestion assez nette entre les deux élevages : l'élevage A, très homogène dans ses qualités colostrales, a mis en place une vaccination des mères avant la période de vêlage et une complémentation en oligo-éléments individualisée. L'élevage B a quant à lui mis en place une complémentation en oligo-éléments par seaux sur la première partie de l'hiver, marquée par une forte hétérogénéité des qualités colostrales, puis a mis en place une vaccination des mères et une complémentation individualisée sur la seconde partie de l'hiver, après une dégradation de la situation. Cette correction de la préparation au vêlage des mères s'accompagne alors d'une meilleure homogénéité des qualités colostrales. 

Il est donc important de mesurer un nombre significatif de colostrums lors du suivi colostral, et ce tout au long de la saison, la situation pouvant être variable au sein même des lots d'animaux et pouvant évoluer sur une saison de vêlage. Le suivi colostral permet alors de monitorer objectivement les mesures proposées par le vétérinaire et mises en place par les éleveurs, comme par exemple ici la complémentation en oligo-éléments et la vaccination préventive du troupeau pour l'élevage A et la correction de la complémentation en oligo-éléments et la vaccination corrective de l'élevage B. Le suivi colostral permet alors de bénéficier de données inédites et originales, ouvrant une discussion factuelle avec l'éleveur et servant de levier pour les propositions de gestion de l'élevage.

 

Discussion

Validité des résultats 

La sélection des premiers élevages candidats pour ce projet est biaisée d'une part par le choix des cliniques qui n'a pas été réalisé au hasard par Virbac, puis au sein des clientèles par le choix de élevages par les praticiens qui n'a pas été non plus réalisée au hasard. En effet, lors du recrutement, les vétérinaires se sont naturellement tournés vers des éleveurs ayant déjà une bonne relation avec la clinique afin de travailler étroitement lors de l'étude, avec une confiance mutuelle pour la remontée des données. Il est donc également probable que ces élevages soient techniquement performants. 

Ces résultats sont encore préliminaires et devront être confirmés une fois les données des 110 élevages de l'observatoire centralisées. 

Intérêt pour le conseil

La mise en place de suivis colostraux est souvent perçue par les vétérinaires et leurs éleveurs comme une tâche difficilement réalisable, notamment en allaitant. Le projet COQC permet de démontrer sa faisabilité dans de très nombreuses conditions et ce, avec un large panel de races. 

Les données fournies par l'observatoire COCQ permettent de créer une première base de données de mesures colostrales. Au sein des élevages, au sein des cliniques, mais également au niveau national. Elles permettent donc à chacun de comparer leurs propres mesures ralisées lors d'un suivi avec celles enregistrés dans des élevages de France ayant les mêmes facteurs "subis" tels que la race, le rang de vêlage, le type de production, etc. ainsi que de se définir un objectif de progression en fonction de certaines pratiques encore non mise en place chez eux, comme une durée de tarissement plus importante, une complémentation en oligo-éléments, une distribution de colostrum effectue dans les premières heures suivant le vêlage, etc. 

Les résultats ont montré de fortes différences de qualité entre les colostrums issus de vaches laitières et allaitantes, ce qui est conforme aux données de la littérature (3,9). L'observatoire COCQ prend en compte cette diversité pour permettre à l'éleveur de se comparer avec des élevages techniquement proches du sien. 

Démarche de conseil 

La mise en place du suivi colostral en élevage nécessite la formation des éleveurs à la mesure colostrale par réfractomètre. Cet outil de mesure devient alors un outil pédagogique fort pour la sensibilisation à la qualité colostrale, bien sûr, mais également à la distribution rapide du colostrum, et aux volumes de distribution. 

Ces données amènent alors à proposer une démarche d'interprétation d'un suivi colostral en vue d'un conseil à l'éleveur : 

  1. S'assurer de l'absence de biais dans les mesures colostrales (mesures réalisées trop tardivement pour être du colostrum) pour éviter les erreurs d'interpréatation. 
  2. Calculer la moyenne de l'élevage pour se comparer au référentiel : par clientèle, par race ou à minima par orientation de production 
  3. Evaluer la variabilité des colostrums au sein du troupeau pour déterminer si les pratiques à changer concernent une partie ou l'ensemble du troupeau
  4. Etudier l'influence des facteurs individuels (veau voleur, détection de la gestation, parasitisme, note d'état corporelle...) et collectifs (conduits des primipares et des 2ème rang de vêlage, durée de tarissement, supplémentation en oligo-éléments...). 

 

Avenir du projet COQC

Le projet COQC se limite pour l'instant à la mesure de la qualité colostrale pour des raisons de praticité et de main d'oeuvre. Le TPI reste en revanche la donnée la plus précise à mesurer pour estimer au mieux la réussite de la conduite d'élevage. Pour s'en rapprocher, il serait donc intéressant, dans le futur, de coupler la qualité colostrale avec la quantité de colostrum ingérée par le veau.

La suite du projet sur la saison de vêlage de 2021-2022 est en cours. Le but de cette suite n'est plus d'augmenter considérablement le nombre de données mais de compléter les races manquantes et les pratiques d'élevage les moins représentées dans notre étude initiale (élevages non complémentés en oligo-éléments notamment).

 

Conclusion

Le projet COQC offre une base de données jusque-là inexistante en France, ici sur près de 2300 vaches de 10 races différentes et aux conduites d'élevages variées. Ces données sont l'occasion de fournir aux vétérinaires et à leurs éleveurs des points de comparaison pour les guider dans la révision de leurs techniques d'élevages autour de la préparation au vêlage. 

La mise en place de suivis colostraux à l'échelle du troupeau ouvre au vétérinaire une porte d'entrée vers le conseil autour de la préparation au vêlage dans le but in fine d'améliorer la santé des veaux. 

 

Bibliographie

1. Raboisson et al. Approche économique du transfert d’immunité passive chez les bovins laitiers et allaitants. JNGTV Nantes 18 -20 Mai 2016. p639-644
2. Morin M.P. Dubuc J. Freycon P. Buczinski S. A calf-level study on factors associated with adequate transfer of passive immunity in Quebec dairy herds. J. Dairy Sci. 2021; 104: 4904-4913
3. Stenger. 2016. Contribution à l’étude de la qualité du colostrum chez la vache : utilisation d’un réfractomètre numérique et influence de l'alimentation pendant le tarissement. Thèse de doctorat vétérinaire Vetagrosup. 169p
4. Lacreusette et al. De la mesure colostrale à la conduite d’élevage. Étude 2018-2019 dans 3 élevages d’Aubrac du Centre de la France. Recueil des Journées Nationales des GTV 2020. p467-472
5. Chretiennot. 2020. Freins des éleveurs et stratégie vaccinale. Recueil des Journées Nationales GTV 2020. p455-460
6. Lacreusette M, Chrétiennot C-E, Goellot S., Sanne E. 2019. Identification et levée des freins à la vaccination contre les agents d’entérites néonatales. Le bulletin des GTV, Numéro spécial Gestion du jeune âge : éviter le retard au démarrage.
7. Buczinski S., Gicquel E., Fecteau G., Takwoingi Y., Chigerwe M., Vandeweerd J.M., 2018. Systematic review and meta-analysis of diagnostic accuracy of serum refractometry and Brix refractometry for the diagnosis of inadequate transfer of passive immunity in calves. J. Vet. Intern. Med. 32, 474–483.
8. Bielmann et al. 2010. An evaluation of Brix refractometry instruments for measurement of colostrum quality in dairy cattle, J. Dairy Sci., 93 (8) : 3713–3721
 

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