Virbac Pro
Infos santé | Dentaire

Les affections dentaires chez les petits chiens [Focus d'expert]

Dr Florian Boutoille
DMV, Dipl. Collège européen de dentisterie vétérinaire (EVDC) Exercice exclusif en dentisterie et chirurgie maxillo-faciale (CHV Atlantia, Nantes) Ex-président du Groupe d'étude en odonto-stomatologie (Geros) de l’AFVAC.

Il est classique de décrire une prédisposition des petits chiens à la maladie parodontale1,2. C’est donc cette maladie qui constituera la principale affection stomatologique chez les chiens de petite taille, à la fois par sa prévalence très élevée et par ses conséquences loco-régionales qui peuvent être graves. La persistance des dents déciduales est un trouble du développement dentaire également fréquent chez les chiens de petites races.

La maladie parodontale : une affection fréquente

La maladie parodontale est une pathologie liée à l’agression des tissus de soutien de la dent par certaines bactéries de la plaque dentaire, les bactéries parodontopathogènes. Elle débute par une inflammation de la gencive, la gingivite. Ensuite elle peut évoluer jusqu’à une destruction du parodonte (gencive, ligament parodontal, os alvéolaire et cément), on parle alors de parodontite. En l’absence d’hygiène régulière, cette atteinte s’aggrave avec l’âge et 80% des chiens de 6 ans et plus sont estimés atteints d’une parodontite modérée à sévère3.

Cependant les présentations cliniques de la maladie parodontale peuvent être différentes d’un individu à l’autre. Elles vont dépendre du stade d’évolution de la maladie mais aussi de la manière dont l’individu répond localement aux agressions bactériennes3. Il apparaît logique que les chiens de petit format possèdent des structures parodontales plus fines et donc relativement fragiles face à ces agressions bactériennes en comparaison avec les chiens de grande taille. Une étude épidémiologique menée sur une population de chien de race caniche montre que plus de 90% des caniches de moins de 4 ans présentent une maladie parodontale de stade 1 minimum ; la fréquence de la maladie est donc importante chez les jeunes animaux et son aggravation (stades de parodontite qui progressent) est notable à partir de 6 ans4.

Enfin, les malocclusions, les malpositions dentaires et la persistance de dents déciduales créent des zones de rétention de plaque dentaire et empêchent un bon affrontement dentaire lors de la manducation, favorisant le développement de la maladie parodontale.

 

L’halitose : un symptôme à ne pas négliger

L’halitose a une origine bucco-dentaire dans plus de 85% des cas. Elle est due à l’activité catabolique des bactéries au niveau buccal. De nombreuses bactéries, présentes dans la cavité buccale vont dégrader des protéines (issues de l'alimentation, de la salive, des cellules buccales) en composés sulfurés volatils (CSV) tels que le sulfure d’hydrogène, le diméthylsulfure et le méthylmercaptan, vecteurs expressifs de l'halitose5. La mauvaise haleine est accentuée par la population et la charge bactérienne, les lésions inflammatoires et ulcéreuses, les saignements...

On estime que l’ensemble des poches parodontales chez un chien de 15 kg présentant une parodontite représente l’équivalent, en surface, d’une plaie suppurée de 15 cm23. L’halitose est donc fréquemment associée à la maladie parodontale. En effet certaines bactéries Gram – anaérobies (ex : Peptostreptoccocus sp.,  Porphyromonas sp., Prevotella sp....) classiquement isolées de la plaque sous-gingivale dans les cas de gingivite et de parodontite, sont particulièrement malodorantes. Leurs principales sources nutritives sont les protéines, les peptides ou les acides aminés qui, sous des conditions physico-chimiques spécifiques, se dégradent en CSV 5-7.

Des études chez le chien montrent une corrélation entre le taux de CSV dans l’haleine et la quantité de plaque dentaire accumulée sur les dents8. La rétention d’aliments et leur dégradation est une source de mauvaise haleine. Cette rétention peut se faire sur les sites de parodontite pour lesquels des zones « déchaussées » permettent le bourrage alimentaire (ex : une furcation exposée, une poche parodontale relativement large). La rétention alimentaire peut être due à la persistance de dents déciduales ou à des malpositions dentaires qui induisent un encombrement dentaire à l’origine de « recoins » accumulant des débris alimentaires (figure 1).

figure-1-affections-dentaires-petits-chiens.png
Figure 1 : persistance de dents déciduales associée à de la rétention alimentaire et à un développement précoce de la maladie parodontale chez un Yorkshire terrier

 

Lyse osseuse liée à la maladie parodontale : des conséquences potentiellement graves

Les conséquences loco-régionales de la maladie parodontale les plus graves sont associées aux destructions osseuses survenant lors de parodontite avancée. Chez les chiens de petite taille le capital osseux (mandibulaire ou maxillaire) autour des racines dentaires est faible, l’ostéolyse liée à la maladie parodontale peut donc engendrer une fragilisation osseuse aboutissant à une fracture pathologique de la mandibule : souvent au niveau de la canine ou de la racine mésiale de la carnassière mandibulaires (figure 2a et 2b).

figure-2a-affections-dentaires-petits-chiens.png
Figure 2a : maladie parodontale de stade terminale en région mandibulaire G chez un Bichon pesant 4 kg

figure-2b-affections-dentaires-petits-chiens.png
Figure 2b : radiographie dentaire de la mandibule G du même chien qu’en 2a montrant une ostéolyse alvéolaire majeure sur la racine de distale de la M1 associée à une fracture mandibulaire pathologique
 

Face à une telle situation, le praticien se doit de réaliser un examen radiographique précis avant d’envisager l’extraction chirurgicale délicate de la ou des dents en cause puis réaliser un curetage de la zone infectée, tout en veillant à ne pas provoquer de dommages osseux supplémentaires (figure 2c).

figure-2c-affection-dentaire -petit-chien.jpg

Figure 2c : radiographie dentaire post-opératoire : une grande précaution a été prise lors des extractions et du curetage afin de ne pas déplacer la fracture
 

Parfois une stabilisation (mini-plaque vissée) est nécessaire, quand c’est le cas elle doit toujours être réalisée après assainissement de la zone.

De même, la perte d’os autour des canines et prémolaires peut provoquer une communication oro-nasale (la zone la plus classiquement touchée est la face palatine des canines chez les petits chiens à museau long et fin : Teckel, Caniche…). La gestion de ces communications oro-nasales d’origine parodontale nécessitent les extractions des dents atteintes, le curetage des alvéoles dentaires, de la cavité nasale et la fermeture des sites par de grands lambeaux muqueux suturés sans tension à la muqueuse palatine 9. Les dégâts osseux et nasaux sont préalablement évalués par la réalisation d’un scanner (ou d’un cone beam) afin de visualiser au mieux les structures et planifier l’ampleur des extractions et du curetage (figures 3a à d).
 

figure-3a-affections-dentaires-petits-chiens.psd

Figure 3a : maladie parodontale avancée chez un Teckel à    l’origine d’une communication oro-nasale au niveau maxillaire D.

figure-3b-affection-dentaire -petit-chien.jpg

Figure 3b : Scanner du même chien qu’en 3a au niveau de la canine (à gauche) et de la deuxième prémolaire (à droite). Une lyse osseuse péridentaire importante est notable ainsi qu’un envahissement de la cavité nasale D et des structures endonasales.

figure-3c-affection-dentaire -petit-chien.jpg

Figure 3c : aspect per-opératoire après élévation d’un grand lambeau, extractions dentaires, curetage et rinçage nasal.

figure-3d-affection-dentaire -petit-chien.jpg


Figure 3d : aspect post-opératoire après fermeture par sutures du lambeau muqueux à la muqueuse palatine.

 

Persistance des dents déciduales : un classique des petites races

D’une manière générale, les dents déciduales débutent leur éruption à l’âge de 3 semaines et commencent à être remplacées par les dents permanentes vers 3-4 mois, et ce quelle que soit la taille du chien. La dent déciduale est exfoliée lors du développement et de la sortie de la dent permanente qui lui succède. Cela fait appel à la différentiation d’ostéoclastes (lysant l’os alvéolaire entre les deux dents se succédant) et d’odontoclastes (causant la résorption du cément, de la dentine et même de l’émail de la dent lactéale). Ces phénomènes et leur succession sont bien connus mais l'origine du mécanisme qui contrôle l’éruption dentaire reste encore floue. Des prédispositions raciales sont connues pour la persistance des dents déciduales, les races toy sont particulièrement touchées : Yorkshire Terrier, Chihuahua...

Les conséquences de la persistance de dents déciduales sont de deux ordres :

  • A moyen terme, les dents déciduales non exfoliées engendre un encombrement dentaire qui aboutit à = l’accumulation exacerbée de plaque dentaire, débris alimentaires, saletés... Il en résulte donc une aggravation prématurée de la maladie parodontale (figure 1).
     

figure-1-affections-dentaires-petits-chiens.png
Figure 1 : persistance de dents déciduales associée à de la rétention alimentaire et à un développement précoce de la maladie parodontale chez un Yorkshire terrier.

  • A court terme, une dent déciduale persistante peut modifier l’axe d’éruption et la position de la dent définitive. Il s’en suit une malocclusion qui peut se caractériser par des conflits dentaires ou des lésions tissulaires liées aux dents mal placées (exemple : percussion de palais par les canines mandibulaires) (figure 4).

figure-4-affection-dentaire -petit-chien.JPG

Figure 4 : persistance de la canine déciduale maxillaire G chez un Yorkshire terrier. L’espace interdentaire entre I3 et Canine maxillaires G est réduit du fait de la mésioversion de la canine définitive, l’occlusion avec la canine mandibulaire ne peut se faire correctement. Une extraction précoce de la canine déciduale aurait peut-être pu éviter cette malocclusion.

Il est donc indiqué d’extraire les dents déciduales à partir du moment où elles ne s’exfolient pas seules, c’est-à-dire lorsque la dent définitive a entamé son éruption et que la dent déciduale correspondante n’est pas du tout mobile.

 

Conclusion

Les affections dentaires sont fréquentes et multiples chez les chiens de petite taille. Leur prise en charge commence obligatoirement par un examen exhaustif de la cavité buccale, une évaluation radiologique des dents et de leur soutien osseux avant d’envisager les actes chirurgicaux adaptés.

 

Tags :

Voir aussi

Extractions dentaires chez le petit chien : un défi technique

Chez les chiens de petite taille, les extractions dentaires se réalisent selon des techniques bien précises, elles sont définies comme simples ou chirurgicales selon si des temps muqueux (élévation d’un lambeau) et osseux (réalisation d’une alvéolotomie) sont nécessaires.

Tout savoir sur les extractions dentaires chez le chien [Equipement & Technique]

[Replay] Cette conférence vous permettra de perfectionner votre technique d'extraction et de choisir le bon matériel pour réaliser les extractions dentaires chez le chien.

Comment élever le niveau des soins dentaires et son impact dans la clinique ? [Interview]

Développer l’activité dentaire au sein de la clinique, passe par la formation des équipes et la sensibilisation des propriétaires aux soins préventifs. Le développement du pôle dentaire est l’affaire de tous dans la clinique, du vétérinaire à l’ASV. Délivrer les conseils au bon moment de la consultation, avec des produits efficaces et faciles à utiliser par les propriétaires sont autant de leviers pour réussir. Le Dr Thibault Bertrand partage l'expérience de la mise en place de ce service dans sa clinique.

[Veterinary HPM® Petits Chiens] Une algue brune pour lutter contre la maladie parodontale

Les chiens de petites races sont les plus sujets à la maladie parodontale, avec des conséquences importantes sur la santé et la qualité de vie. C’est pourquoi la gamme Veterinary HPM® Small & Toy dog s’enrichit d’un nouvel ingrédient naturel, l’algue brune Ascophyllum nodosum, qui aide à limiter la plaque dentaire et la formation de tartre, réduit l’halitose et contribue à la bonne santé bucco-dentaire.

Maladie parodontale des chats et des chiens :
Gestes techniques & conseils pratiques d'un spécialiste en dentisterie

[Replay] Le Dr Florian Boutoille, spécialiste en dentisterie vétérinaire, vous proposera des conseils pratiques applicables immédiatement dans votre pratique quotidienne.

Gamme dentaire : L'efficacité prouvée des produits Virbac

Le lavage quotidien des dents est le meilleur moyen de prévenir la formation de la plaque et du tartre chez le chien et le chat. Toutefois, des alternatives ou complément au brossage des dents ont été développées. Les lamelles à mâcher permettent de retirer les débris alimentaires et préviennent la formation de la plaque dentaire. Des études démontrent aussi l’efficacité des différents produits Virbac pour l’hygiène bucco-dentaire (HBD) : brossage, lamelles à mâcher et solution dentaire.

Références

1. Harvey CE et coll. Association of age and body weight with periodontal disease in North American dogs. J Vet Dent 1994 ;11 : 94-105.

2. Wallis C, Holcombe LJ. A review of the frequency and impact of periodontal disease in dogs. J Small Anim Pract. 2020 ;61(9):529-540.

3. Hennet P. Maladie parodontale, gingivite et parodontite. In : Dentisterie et chirurgie maxillo-faciale canine et féline (Hennet P, Ed). 2006 ; Elsevier Masson SAS, Issy-les-Moulineaux, 52-74.

4. Hoffmann T, Gaengler P. Epidemiology of periodontal disease in poodles J Small Anim Pract. 1996 ;37(7):309-16.

5. Porte SR, Scully C. Oral malodour (halitosis). BMJ. 2006,23 ;333 (7569) : 632-5

6. Données fondamentales sur l’halitose. Site internet : www.dreamdirectdesign.com/dentisfuturis/modules/news/print.php?storyid=786

7. Ratcliff PA, Johnson PW. The relationship between oral malodor, gingivitis, and periodontitis. A review. J Periodontol. 1999 May;70(5):485-9.

8. Mariani C. et al. Effect of tooth-brushing and chew distribution on halitosis in dogs. Proceedings of the 18th european congress of veterinary dentistry, Zurich 2009.

9. Hennet P. Boutoille F. La maladie parodontale : traitement parodontal initial (détartrages supragingival et sous-gingival, polissage) et traitement parodontal chirurgical. In Hennet P. Boutoille F. Guide pratique de stomatologie et dentisterie vétérinaire. Paris : Editions Med’com, 2013, 126-48.