La maladie parodontale est une pathologie liée à l’agression des tissus de soutien de la dent par certaines bactéries de la plaque dentaire, les bactéries parodontopathogènes. Elle débute par une inflammation de la gencive, la gingivite. Ensuite elle peut évoluer jusqu’à une destruction du parodonte (gencive, ligament parodontal, os alvéolaire et cément), on parle alors de parodontite. En l’absence d’hygiène régulière, cette atteinte s’aggrave avec l’âge et 80% des chiens de 6 ans et plus sont estimés atteints d’une parodontite modérée à sévère3.
Cependant les présentations cliniques de la maladie parodontale peuvent être différentes d’un individu à l’autre. Elles vont dépendre du stade d’évolution de la maladie mais aussi de la manière dont l’individu répond localement aux agressions bactériennes3. Il apparaît logique que les chiens de petit format possèdent des structures parodontales plus fines et donc relativement fragiles face à ces agressions bactériennes en comparaison avec les chiens de grande taille. Une étude épidémiologique menée sur une population de chien de race caniche montre que plus de 90% des caniches de moins de 4 ans présentent une maladie parodontale de stade 1 minimum ; la fréquence de la maladie est donc importante chez les jeunes animaux et son aggravation (stades de parodontite qui progressent) est notable à partir de 6 ans4.
Enfin, les malocclusions, les malpositions dentaires et la persistance de dents déciduales créent des zones de rétention de plaque dentaire et empêchent un bon affrontement dentaire lors de la manducation, favorisant le développement de la maladie parodontale.
L’halitose a une origine bucco-dentaire dans plus de 85% des cas. Elle est due à l’activité catabolique des bactéries au niveau buccal. De nombreuses bactéries, présentes dans la cavité buccale vont dégrader des protéines (issues de l'alimentation, de la salive, des cellules buccales) en composés sulfurés volatils (CSV) tels que le sulfure d’hydrogène, le diméthylsulfure et le méthylmercaptan, vecteurs expressifs de l'halitose5. La mauvaise haleine est accentuée par la population et la charge bactérienne, les lésions inflammatoires et ulcéreuses, les saignements...
On estime que l’ensemble des poches parodontales chez un chien de 15 kg présentant une parodontite représente l’équivalent, en surface, d’une plaie suppurée de 15 cm23. L’halitose est donc fréquemment associée à la maladie parodontale. En effet certaines bactéries Gram – anaérobies (ex : Peptostreptoccocus sp., Porphyromonas sp., Prevotella sp....) classiquement isolées de la plaque sous-gingivale dans les cas de gingivite et de parodontite, sont particulièrement malodorantes. Leurs principales sources nutritives sont les protéines, les peptides ou les acides aminés qui, sous des conditions physico-chimiques spécifiques, se dégradent en CSV 5-7.
Des études chez le chien montrent une corrélation entre le taux de CSV dans l’haleine et la quantité de plaque dentaire accumulée sur les dents8. La rétention d’aliments et leur dégradation est une source de mauvaise haleine. Cette rétention peut se faire sur les sites de parodontite pour lesquels des zones « déchaussées » permettent le bourrage alimentaire (ex : une furcation exposée, une poche parodontale relativement large). La rétention alimentaire peut être due à la persistance de dents déciduales ou à des malpositions dentaires qui induisent un encombrement dentaire à l’origine de « recoins » accumulant des débris alimentaires (figure 1).
Figure 1 : persistance de dents déciduales associée à de la rétention alimentaire et à un développement précoce de la maladie parodontale chez un Yorkshire terrier
Les conséquences loco-régionales de la maladie parodontale les plus graves sont associées aux destructions osseuses survenant lors de parodontite avancée. Chez les chiens de petite taille le capital osseux (mandibulaire ou maxillaire) autour des racines dentaires est faible, l’ostéolyse liée à la maladie parodontale peut donc engendrer une fragilisation osseuse aboutissant à une fracture pathologique de la mandibule : souvent au niveau de la canine ou de la racine mésiale de la carnassière mandibulaires (figure 2a et 2b).
Figure 2a : maladie parodontale de stade terminale en région mandibulaire G chez un Bichon pesant 4 kg
Figure 2b : radiographie dentaire de la mandibule G du même chien qu’en 2a montrant une ostéolyse alvéolaire majeure sur la racine de distale de la M1 associée à une fracture mandibulaire pathologique
Face à une telle situation, le praticien se doit de réaliser un examen radiographique précis avant d’envisager l’extraction chirurgicale délicate de la ou des dents en cause puis réaliser un curetage de la zone infectée, tout en veillant à ne pas provoquer de dommages osseux supplémentaires (figure 2c).
Figure 2c : radiographie dentaire post-opératoire : une grande précaution a été prise lors des extractions et du curetage afin de ne pas déplacer la fracture
Parfois une stabilisation (mini-plaque vissée) est nécessaire, quand c’est le cas elle doit toujours être réalisée après assainissement de la zone.
De même, la perte d’os autour des canines et prémolaires peut provoquer une communication oro-nasale (la zone la plus classiquement touchée est la face palatine des canines chez les petits chiens à museau long et fin : Teckel, Caniche…). La gestion de ces communications oro-nasales d’origine parodontale nécessitent les extractions des dents atteintes, le curetage des alvéoles dentaires, de la cavité nasale et la fermeture des sites par de grands lambeaux muqueux suturés sans tension à la muqueuse palatine 9. Les dégâts osseux et nasaux sont préalablement évalués par la réalisation d’un scanner (ou d’un cone beam) afin de visualiser au mieux les structures et planifier l’ampleur des extractions et du curetage (figures 3a à d).
Figure 3a : maladie parodontale avancée chez un Teckel à l’origine d’une communication oro-nasale au niveau maxillaire D.
Figure 3b : Scanner du même chien qu’en 3a au niveau de la canine (à gauche) et de la deuxième prémolaire (à droite). Une lyse osseuse péridentaire importante est notable ainsi qu’un envahissement de la cavité nasale D et des structures endonasales.
Figure 3c : aspect per-opératoire après élévation d’un grand lambeau, extractions dentaires, curetage et rinçage nasal.
Figure 3d : aspect post-opératoire après fermeture par sutures du lambeau muqueux à la muqueuse palatine.
D’une manière générale, les dents déciduales débutent leur éruption à l’âge de 3 semaines et commencent à être remplacées par les dents permanentes vers 3-4 mois, et ce quelle que soit la taille du chien. La dent déciduale est exfoliée lors du développement et de la sortie de la dent permanente qui lui succède. Cela fait appel à la différentiation d’ostéoclastes (lysant l’os alvéolaire entre les deux dents se succédant) et d’odontoclastes (causant la résorption du cément, de la dentine et même de l’émail de la dent lactéale). Ces phénomènes et leur succession sont bien connus mais l'origine du mécanisme qui contrôle l’éruption dentaire reste encore floue. Des prédispositions raciales sont connues pour la persistance des dents déciduales, les races toy sont particulièrement touchées : Yorkshire Terrier, Chihuahua...
Les conséquences de la persistance de dents déciduales sont de deux ordres :
Figure 1 : persistance de dents déciduales associée à de la rétention alimentaire et à un développement précoce de la maladie parodontale chez un Yorkshire terrier.
A court terme, une dent déciduale persistante peut modifier l’axe d’éruption et la position de la dent définitive. Il s’en suit une malocclusion qui peut se caractériser par des conflits dentaires ou des lésions tissulaires liées aux dents mal placées (exemple : percussion de palais par les canines mandibulaires) (figure 4).
Figure 4 : persistance de la canine déciduale maxillaire G chez un Yorkshire terrier. L’espace interdentaire entre I3 et Canine maxillaires G est réduit du fait de la mésioversion de la canine définitive, l’occlusion avec la canine mandibulaire ne peut se faire correctement. Une extraction précoce de la canine déciduale aurait peut-être pu éviter cette malocclusion.
Il est donc indiqué d’extraire les dents déciduales à partir du moment où elles ne s’exfolient pas seules, c’est-à-dire lorsque la dent définitive a entamé son éruption et que la dent déciduale correspondante n’est pas du tout mobile.
Les affections dentaires sont fréquentes et multiples chez les chiens de petite taille. Leur prise en charge commence obligatoirement par un examen exhaustif de la cavité buccale, une évaluation radiologique des dents et de leur soutien osseux avant d’envisager les actes chirurgicaux adaptés.
Références
1. Harvey CE et coll. Association of age and body weight with periodontal disease in North American dogs. J Vet Dent 1994 ;11 : 94-105.
2. Wallis C, Holcombe LJ. A review of the frequency and impact of periodontal disease in dogs. J Small Anim Pract. 2020 ;61(9):529-540.
3. Hennet P. Maladie parodontale, gingivite et parodontite. In : Dentisterie et chirurgie maxillo-faciale canine et féline (Hennet P, Ed). 2006 ; Elsevier Masson SAS, Issy-les-Moulineaux, 52-74.
4. Hoffmann T, Gaengler P. Epidemiology of periodontal disease in poodles J Small Anim Pract. 1996 ;37(7):309-16.
5. Porte SR, Scully C. Oral malodour (halitosis). BMJ. 2006,23 ;333 (7569) : 632-5
6. Données fondamentales sur l’halitose. Site internet : www.dreamdirectdesign.com/dentisfuturis/modules/news/print.php?storyid=786
7. Ratcliff PA, Johnson PW. The relationship between oral malodor, gingivitis, and periodontitis. A review. J Periodontol. 1999 May;70(5):485-9.
8. Mariani C. et al. Effect of tooth-brushing and chew distribution on halitosis in dogs. Proceedings of the 18th european congress of veterinary dentistry, Zurich 2009.
9. Hennet P. Boutoille F. La maladie parodontale : traitement parodontal initial (détartrages supragingival et sous-gingival, polissage) et traitement parodontal chirurgical. In Hennet P. Boutoille F. Guide pratique de stomatologie et dentisterie vétérinaire. Paris : Editions Med’com, 2013, 126-48.