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Temps de lecture : 4 minutes

Castration chirurgicale du chien mâle : peser le pour et le contre

Dr Sylvie Chastant
Docteur vétérinaire PhD, HDR, Spécialiste européen en Reproduction Animale (ECAR) Reproduction, NeoCare (ENVT)

L’exérèse des testicules a longtemps été considérée comme globalement bénéfique à la santé du chien, sous réserve du maintien du poids optimal. Des données d’épidémiosurveillance récentes montrent que ce n’est pas systématiquement le cas : pour chaque individu, les risques associés à cette intervention en matière de santé physique et comportementale de l’animal méritent d’être mis en balance avec les effets positifs attendus.

La stérilisation chirurgicale de convenance est demandée par les propriétaires de chiens mâles soit réellement dans un objectif de stérilisation (quand la reproduction de l’animal ne peut être contrôlée), soit, plus souvent, pour obtenir une privation en androgènes. Il s’agit alors de prévenir des pathologies (comme l’hyperplasie bénigne de la prostate) mais aussi et surtout de prévenir ou supprimer des comportements compliquant la cohabitation entre le chien et ses propriétaires (agressivité, fugues, marquage...).

Jusqu’aux années 2010, la stérilisation chirurgicale était considérée comme LA bonne solution, avec pour seul effet secondaire la prise de poids. Or des analyses de suivi de dossiers médicaux d’animaux castrés ont ensuite soulevé des interrogations quant à l’innocuité réelle à long terme de la castration sur la santé du chien. L’efficacité sur les comportements dits « mâles » a également été remise en cause.

 

Castration et santé physique

La castration a des conséquences importantes sur la santé (figure 1). Les causes de mortalité des chiens mâles castrés diffèrent de celles des chiens entiers.

De façon attendue, les chiens castrés meurent moins de causes infectieuses et traumatiques mais, plus surprenant, leur risque de décéder de cause tumorale ou de maladie dysimmunitaire augmente : 36% des chiens castrés décèdent de cause tumorale contre seulement 26% des chiens entiers. Les types tumoraux dont la prévalence augmente sont plus particulièrement les carcinomes à cellules transitionnelles, l’ostéosarcome, les lymphomes, les mastocytomes, et l’hémangiosarcome. Cette augmentation du risque tumoral n’est pas liée à l’augmentation de leur longévité. Elle pourrait être liée à l’augmentation de la concentration circulante en LH (à l’image des tumeurs surrénaliennes après castration chirurgicale chez le furet) et/ou à une perturbation des cellules de la lignée blanche par la privation en stéroïdes (pour lesquels les cellules blanches portent des récepteurs). Cette seconde hypothèse est cohérente avec la mise en évidence de l’augmentation de la prévalence de plusieurs affections dysimmunitaires chez le chien castré. Indépendamment d'une éventuelle prise de poids, la castration semble augmenter la prévalence de certains troubles orthopédiques (dysplasie de la hanche, dysplasie du coude, rupture des ligaments croisés), du fait d'une perturbation des ostéoblastes.

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Figure 1 : Les conséquences
de la castration sur la santé

 

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Une approche raisonnée et individualisée pour une meilleure gestion du risque.

 

 

Néanmoins, ces nouveaux résultats quant à l’impact de la castration sur la santé du chien mâle ne doivent pas faire oublier l’augmentation du risque de prise de poids, dont la maîtrise par le rationnement et l’activité physique sont indispensables à une bonne qualité de vie du chien castré.

 

Des effets qui varient selon la race...

La différence de sensibilité à la castration des diverses races rend le conseil encore plus complexe.

Par exemple, les races Lhassa Apso, Beagle et Dogue Allemand sont particulièrement sensibles à l’augmentation du risque tumoral, alors que les Cockers et Labradors voient leur risque de développer une maladie dysimmunitaire très augmenté. Même des races aussi proches que Labradors et Golden Retrievers n’ont pas le même comportement face à la stérilisation.

 

... Mais aussi avec l’âge lors de la castration

Pour une race donnée, la castration a des impacts différenciés sur la santé selon l’âge à la castration (figure 2).

En pratique, il est donc possible d’utiliser le tableau de Hart et al (2020a, en open access) qui propose, sur la base des données épidémiologiques actuelles, des âges optimaux de stérilisation pour 35 races. Chez le Bouvier Bernois et le Boxer, il est recommandé d’attendre l’âge de deux ans, alors que chez le Teckel, l’âge ne semble pas avoir d’incidence particulière. Enfin, en raison de l’augmentation du risque tumoral, les auteurs déconseillent la castration des Dobermans. Il est probable que ces recommandations s’affinent avec le temps mais ce travail permet déjà un conseil personnalisé. Face à un animal croisé, la décision se fait selon son format (Hart et al 202b).

 

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Figure 2 : Exemple du Golden Retriever mâle
Les conséquences de la castration dépendent de l’âge à la castration
(d'après Hart BL 2014 , Front. Vet. Sci. 7 : 388)

 

Castration et santé comportementale

La demande de castration du chien mâle provient souvent de l’existence de comportements gênants (marquage urinaire du territoire, chevauchements des jambes, fugues, compétitions intermâles...), voire de troubles du comportement (anxiété de séparation). Mais l’efficacité de cette intervention reste limitée : on estime qu’elle ne supprime ou n’améliore que 60 % des comportements d’ordre sexuel (donc faisant intervenir la testostérone).

Lorsque la demande est liée à un comportement agressif vis-à-vis des personnes (donc un comportement non lié à l’activité sexuelle du chien), l’amélioration n’est observée qu’entre 0 et 22 % des cas. Outre cette efficacité limitée, l’existence de cas d’aggravation, voire d’apparition, de ces comportements après la castration (dans 2 à 4 % des cas et notamment si la stérilisation est pratiquée entre 6 et 12 mois) conduit à conseiller de tester l’effet de la castration préalablement au geste chirurgical via une stérilisation chimique.

 

Et chez la chienne ?

Les effets de la stérilisation sur la santé et le comportement décrits chez le mâle ont également été mis en évidence chez la femelle. Mais même à l’intérieur d’une race donnée, la sensibilité des deux sexes à l’ablation des gonades diffère, avec une augmentation du risque tumoral encore plus importante chez les femelles. Les tableaux proposés par Hart et al (2020 a et b) proposent également des recommandations chez les femelles.

 

Conclusion

La connaissance de ces effets délétères impose, lors de la consultation préstérilisation, de faire peser par le propriétaire le rapport bénéfices-risques : la probabilité que la castration apporte le bénéfice attendu pour le chien puis pour le propriétaire est à comparer à l’augmentation du risque de troubles pathologiques.

La consultation vise donc à éclairer le propriétaire en lui proposant un conseil personnalisé en fonction de sa demande et en tenant compte de la race et de l’âge de son animal. Elle est également l’occasion de proposer un test de stérilisation médicale par la desloréline, pour prédire l’efficacité d’une castration ultérieure.

 

Pour en savoir plus : 

Farhoody P, Mallawaarachchi I, Tarwater PM, Serpell JA, Duffy DL, Zink C (2018). Aggression toward Familiar People, Strangers, and Conspecifics in Gonadectomized and Intact Dogs. Front Vet Sci. Feb 26;5:18. doi: 10.3389/ fvets.2018.00018 Hart BL, Hart LA, Thigpen AP and Willits NH (2020a) Assisting Decision-Making on Age of Neutering for 35 Breeds of Dogs: Associated Joint Disorders, Cancers, and Urinary Incontinence. Front. Vet. Sci. 7:388. doi: 10.3389/fvets.2020.00388 Hart BL, Hart LA, Thigpen AP and Willits NH (2020b) Assisting Decision-Making on Age of Neutering for Mixed Breed Dogs of Five Weight Categories: Associated Joint Disorders and Cancers. Front. Vet. Sci. 7:472. doi: 10.3389/fvets.2020.00472 Hart BL, Hart LA, Thigpen AP, Willits NH (2014) Long-Term Health Effects of Neutering Dogs: Comparison of Labrador Retrievers with Golden Retrievers. PLoS ONE 9(7): e102241. doi:10.1371/ journal.pone.0102241 Hoffman JM, Creevy KE, Promislow DEL (2013) Reproductive Capability Is Associated with Lifespan and Cause of Death in Companion Dogs. PLoS ONE 8(4): e61082. doi:10.1371/journal.pone.0061082 Sundburg CR, Belanger JM, Bannasch DL, Famula TR, Oberbauer OM (2016). Gonadectomy effects on the risk of immune disorders in the dog: a retrospective study. BMC Veterinary Research 12:278