Virbac Pro
Infos santé | Nutrition
Temps de lecture : 5 minutes

Impacts nutritionnels de la stérilisation chez le chien : L'importance d'un suivi nutritionnel individualisé

Dr Sophie Augustin
Vétérinaire consultante en nutrition (Vacataire CHUVA, Service de rations à distance)

La part des chiens stérilisés est en augmentation et concerne environ 40 % de la population canine1. Le surpoids et l’obésité concernent eux aussi environ 40 % de la population canine2. Afin de prévenir ces pathologies, la stérilisation de l’animal doit s’accompagner d’une prise en charge nutritionnelle individualisée incluant le choix d’un aliment adapté et le calcul de la ration quotidienne.

La stérilisation a-t-elle un impact sur le métabolisme de régulation de la faim ?

Bien que régulièrement observée par les propriétaires, la modification de régulation de la faim à la suite de la stérilisation n’est pas encore totalement expliquée3.

Certaines hormones jouent un rôle majeur dans la régulation de la satiété.


• La leptine, principalement synthétisée par les adipocytes, augmente après la prise d’un repas en corrélation avec la variation d’insuline4. Son rôle est d’envoyer un message de satiété au cerveau afin de réduire la prise alimentaire.

• La ghréline, synthétisée par les cellules de la muqueuse intestinale, envoie un message de faim au cerveau afin d’augmenter la prise alimentaire. Elle est également influencée par la prise des repas5.

• Les oestrogènes font varier la prise alimentaire au cours du cycle de la femelle, avec par exemple une augmentation au moment de l’anoestrus6,7.

 

vbi-nutrtion-metabolisme.png

Adapter l'alimentation est indispensable pour prévenir le surpoids chez l'animal stérilisé

 

La stérilisation des femelles entraîne un arrêt de l’action des œstrogènes qui pourrait générer une augmentation de la prise alimentaire. Si celle-ci n’est pas contrôlée, le mécanisme d’équilibration de la satiété mené par la leptine et la ghréline ne suffisent pas à limiter l’apport énergétique5. Ainsi, l’augmentation de la prise alimentaire est régulièrement observée chez les femelles. Concernant les mâles, les effets de la castration sur la prise alimentaire sont très variables selon les espèces8; on peut supposer que l’appétit est augmenté chez le chien.

La tendance au surpoids et à l’obésité chez les animaux stérilisés ne s’explique pas uniquement par la modification hormonale. Elle est liée à un regroupement de plusieurs facteurs, en particulier l’absence d’adaptation de l’apport énergétique et le manque d’activité physique9. La stérilisation pourrait entraîner une baisse de l’activité physique des animaux10, réduisant d’autant plus leur besoin énergétique.

 

Faut-il adapter les besoins énergétiques et nutritionnels des chiens stérilisés ?

L’enjeu majeur concernant les chiens stérilisés est d’empêcher la prise de poids; il est primordial d’anticiper ce phénomène en évaluant précisément les besoins de l’animal. Il est souvent plus facile de prévenir le surpoids et l’obésité que de mettre en place un régime d’amaigrissement efficace. La sensibilisation du propriétaire à ce sujet est indispensable.

La bonne couverture du besoin énergétique est directement liée au maintien du poids idéal du chien. Son évaluation doit donc se faire de manière la plus précise possible.

Une fois le poids idéal déterminé, le BEE (besoin énergétique d’entretien) pourra être calculé. Deux formules sont fréquemment utilisées11 :

 

BEE (kcal/j) =130×Poids idéal (kg)0,75 

BEE (kcal/j) =156×Poids idéal (kg)0,667 

 

Le BEE ne correspond pas au besoin énergétique réel de l’animal (BE). Le BE prend en compte les caractéristiques individuelles : race, mode de vie, état physiologique et certaines pathologies, en mettant en place des facteurs amenant à minorer ou majorer le BEE. Ainsi la stérilisation implique une réduction de 20% du BEE. Si celle-ci n’est pas prise en compte, l’apport calorique sera trop important et entraînera une prise de poids de l’animal.

Un aliment adapté à un animal stérilisé visera une densité énergétique faible tout en maintenant les apports nécessaires en protéines, acide gras essentiels, vitamines, minéraux, etc. Pour cela, il faudra entre autres privilégier un aliment avec un rapport protido-calorique (RPC) plus élevé.

 

RCP (g/Mcal) = %Protéines/ DE * 1000

 

La teneur en matières grasses sera réduite car elle a un apport calorique plus élevé que les protéines et les glucides mais l’apport minimal en acides gras essentiels (Oméga 3 et Oméga 6) devra être maintenu pour couvrir les besoins du chien.

Pour permettre une bonne satiété malgré un apport calorique réduit, le volume de la ration devra être suffisant. Augmenter l’apport en fibres dans l’aliment est une bonne solution car cela permet d’augmenter le volume de ration sans trop augmenter l’apport calorique. Il est également possible de mettre en place une alimentation mixte composée de croquettes et d’un aliment humide. L’augmentation de la quantité de protéines est également un moyen d’augmenter la satiété chez le chien12.

 

Un plan de rationnement doit-il s'accompagner d’une adaptation du mode de vie ?

Pour prévenir l’apparition du surpoids et de l’obésité à la suite de la stérilisation, il est également intéressant de contrebalancer la diminution du besoin énergétique en augmentant l’activité physique afin d’augmenter la dépense énergétique du chien. Cette nécessité est d’autant plus réelle qu’il a été décrit une baisse d’activité naturelle suite à la stérilisation10.

Même s’il n’existe aucun consensus, le besoin d’activité physique minimal peut être placé à environ 1-2 heures de course/jeux par jour. Dans un contexte de vie en milieu urbain/ périurbain, ce niveau d’activité est parfois difficile à maintenir. Il faudra alors prendre en compte ce manque d’activité dans le calcul du BE.

Pour favoriser une bonne satiété, il est possible de fractionner les repas dans la journée pour limiter les phases de mise à jeun entraînant la sensation de faim. L’utilisation de gamelles ludiques (labyrinthes, balles, tapis de fouille...) est également une bonne solution car elle va obliger l’animal à ralentir sa prise alimentaire et agir pour avoir accès à sa nourriture (sa motivation sera corrélée à son niveau de faim et pourra empêcher une surconsommation de nourriture).

 

citation3.pngLa tendance au surpoids et à l’obésité chez les animaux stérilisés ne s’explique pas uniquement par la modification hormonale. Elle est liée à plusieurs facteurs en particulier l’absence d’adaptation de l’apport énergétique et le manque d’activité physique.

 

Le besoin énergétique diminue-t-il avec l’âge ?

Avec l’âge, le métabolisme énergétique du chien se modifie : la consommation diminue13  et la masse maigre se réduit au profit de la masse grasse14. Ceci peut expliquer une prise de poids sans modification du régime alimentaire. Celle-ci est particulièrement à prévenir chez l’animal « senior » car le surpoids et l’obésité sont des facteurs aggravants de toute maladie inflammatoire en particulier l’arthrose15, plus fréquente chez les chiens âgés. L’obésité impacte également l’espérance de vie ce qui peut être un argument de poids dans la motivation des propriétaires à faire attention à la prise de poids de leur animal16. Pour cela il faudra réaliser une nouvelle évaluation du besoin énergétique lors du bilan gériatrique afin d’ajuster la recommandation nutritionnelle.

 

Challenge Poids Santé Virbac

 

Références : 

1 Enquête FACCO/KANTAR. 2018;
2. Colliard et al. J Nutr. 1 juill 2006;136(7):1951S-1954S.
3. De Godoy J Anim Sci. août 2018;96(8):3526-36.
4. Ishioka et al. Vet J. 1 janv 2005;169(1):85-90.
5. Jeusette et al. J Anim Physiol Anim Nutr. févr 2006;90(1-2):12-8.
6. Asarian et al. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci. 29 juill 2006;361(1471):1251-63.
7. Couturier [Thèse d’exercice vétérinaire]. VetAgroSup; 2008.
8. Asarian et al. Am J Physiol - Regul Integr Comp Physiol. 1 déc 2013;305(11):R1215-67.
9. Phungviwatnikul et al. J Anim Sci [Internet]. 17 mars 2020 [cité 3 mai 2021];98(3).
10. Schauf et al. J Anim Sci. oct 2016;94(10):4239-50.
11. National Research COUNCIL. . Nutrient Requirements of Dogs and Cats. In 2006. p. 19,23.
12. Weber et al. J Vet Intern Med. 2007;21(6):1203-8.
13. Divol et al. J Nutr Sci [Internet]. ed 2017 [cité 10 mai 2021];6.
14. Lefebvre S. Nutrition vétérinaire du chien et du chat, seconde édition. :282.
15. Trayhurn et al. Br J Nutr. 2004;347-55.
16. Kealy et al. J Am Vet Med Assoc. 1 mai 2002;220(9):1315-20.