Stress physiologiques, pathologiques et zootechniques
Les bovins subissent tout au long de leur carrière de nombreux stress. Ils sont tout d’abord soumis aux stress physiologiques, comme tout être vivant. Viennent ensuite les interactions avec le milieu extérieur qui conduisent à des stress pathologiques nécessitant un maintien des défenses de l’organisme. Dans les conditions d’élevage actuelles, de nombreux stress zootechniques surviennent également.
Pour le veau, la naissance est une période de stress intense liée à l’adaptation à un nouveau milieu de vie dans lequel il est exposé à des agressions extérieures dont il était le plus souvent protégé dans l’utérus maternel. Malgré tout, il est préparé par sa mère lors de la gestation à cet évènement ; la réussite de cette étape est donc amorcée des mois en amont. Dans ses premiers mois de vie, la mise en place de l’immunité active du veau, qui remplacera progressivement l’immunité passive transmise à la naissance par le colostrum, est un enjeu majeur. La gestion des nombreux stress auxquels sont exposés les veaux à ces âges, notamment au niveau métabolique, conditionne la réussite de ces étapes.
Chez les femelles, dès 12 mois, les enjeux de reproduction, de la conception au vêlage, nécessitent une participation harmonieuse de tout l'organisme, le plus souvent en parallèle de la croissance. Avant le vêlage, le développement de la glande mammaire, organe clf de la réussite des mammifères, est primordial.
Lors de toutes ces étapes de la vie des bovins, leur métabolisme est sollicité afin d’assurer croissance, développement et renouvellement des tissus.
En élevage laitier comme allaitant, on attend une croissance optimisée sur les premiers mois de vie avec un Gain Moyen Quotidien au moins égal à 1 kg jusqu’à 6 mois et plus. En élevage de veaux sous la mère, les objectifs sont même de plus 1,3 kg de GMQ. La tendance (pour des raisons technico-économiques), de vêlages précoces à 2 ans en élevage laitier impliquent une maîtrise de cette croissance. L’accentuation des caractéristiques propres aux races bovines comme la production de lait et de viande participent à la sensibilité des bovins aux stress. Ainsi les stress physiologiques auxquels sont soumis naturellement les bovins sont amplifiés par les exigences de l’élevage.
L’évolution de l’élevage vers une densité maximum de bovins et l’optimisation des coûts, notamment des bâtiments, représentent un risque accru d’exposition aux stress. L’allotement des bovins notamment dans les élevages engraisseurs de veaux ou de taurillons, est responsable de stress liés aux transports, aux mélanges de microbismes, aux relations sociales et aux changements alimentaires.
Pour les jeunes bovins, les pratiques comme l’écornage ou le sevrage engendrent également des stress. Pour les bovins adultes, ce sont les transitions alimentaires liées aux renouvellements des fourrages autoproduits ou aux changements d'aliments, ainsi que les manipulations du type chantier de vaccination, déparasitage...
Lors d’infection, les tissus sont sollicités par l’interaction entre l’immunité et les agents pathogènes. Leur pouvoir pathogène entraîne une atteinte tissulaire souvent accentuée par la réaction inflammatoire de l’organisme. La bonne régulation de celle-ci, permise par la bonne santé de l’organisme et l’administration d'anti-inflammatoires, est alors essentielle pour ne pas aggraver les lésions et assurer une bonne récupération.
Les conditions environnementales ont également un impact sur la santé des bovins. Le stress thermique résulte d’une exposition des bovins à des conditions de températures et d’humidité inconfortables définies par l’index THI. Dans ces zones d’inconfort, les animaux sont contraints, pour assurer la thermorégulation de leur organisme, de dépenser de l’énergie pour réguler celle-ci. De plus, l’hyperventilation associée à la thermorégulation dans les périodes de stress thermique induit une baisse d’ingestion, souvent associée à l'augmentation de la station debout induisant l'inconfort. Ces phénomènes, par le déficit énergétique secondaire à cette balance négative entre besoin et apports, induisent un stress métabolique sévère.
La réponse de l'organisme aux stress s'exprime par des mécanismes divers. Tout d'abord l'augmentation d'activité d'un animal lors de phases de croissance ou de stress prolongé induit une augmentation de la consommation d'oxygène par ses cellules. Les déchets de ces oxydations cellulaires sont appelés radicaux libres (ROS en anglais pour Reactive Oxygen Species). Ces molécules perturbent également les réponses immunes et inflammatoires de l'organisme. Ainsi, le stress oxydatif favorise l'apparition des infections et aggrave leur impact sur l'intégrité des tissus.
Le déficit énergétique est également un des mécanismes majeurs impactant les animaux en période de stress métabolique. Ce stress résulte d'une hausse des besoins liée à l'augmentation du métabolisme aérobie et une baisse conjointe des apports énergétiques alimentaires sur la même périodde liée à un défaut d'ingestion ou une densité énergétique insuffisante de la ration. L'animal cherche alors à destocker sa graisse afin de produire du glucose pour pallier ce déficit. Les métabolites issus de ces réactions (acides gras non estérifiés et corps cétoniques) sont responsables d'une baisse de l'efficacité immunitaire et du maintien d'un statut inflammatoire de l'organisme.
La bonne régulation de ces phénomènes, parfois nécessaires et inévitables dans la vie des bovins, est essentielle pour optimiser leurs performances. Leur connaissance par les éleveurs comme par les vétérinaires, et donc leur prévention, est fondamentale pour répondre aux exigences de l'élevage moderne. Le système antioxydant est l'un des piliers de cette régulation et les oligoélements, en tant que précurseurs des enzymes antioxydants, en sont des éléments cruciaux.
Les espèces réactives de l’oxygène (ERO ou ROS pour Reactive Oxygen Species) sont des produits finaux normaux du métabolisme cellulaire aérobie. Les radicaux libres, qui font partie des espèces réactives de l’oxygène, sont des composés oxydants, instables et hautement réactifs, qui peuvent prendre un électron à un autre composé qui devient alors oxydé et potentiellement un nouveau radical libre. Le taux des radicaux libres est régulé par des systèmes capables de piéger ces radicaux en leur donnant un électron : les antioxydants. Le déséquilibre entre radicaux libres et antioxydants, en faveur des premiers, perturbe la signalisation et le contrôle de l'oxydo-réduction et/ou endommage les molécules biologiques telles que l'ADN, les protéines et les lipides ; c’est ce que l’on appelle le stress oxydatif1 (Fig. 1). Chez l’homme, il a été montré qu’un stress oxydatif continu pouvait entraîner une inflammation chronique, qui conduirait à son tour à la plupart des maladies chroniques telles que cancer, diabète et maladies cardiovasculaires, neurologiques et pulmonaires2. Le domaine du stress oxydatif en médecine des ruminants en est encore aux premiers stades de développement, mais il est déjà associé à de nombreuses situations.
Fig. 1 Schéma des défenses cellulaires contre les dommages causés par le stress oxydatif.
Les organismes ont évolué vers l'utilisation de l'oxygène pour une production efficace d'énergie. Parallèlement, ils ont également développé des défenses antioxydantes complexes pour éviter ou limiter la production et l'activité pro-oxydante des espèces réactives produites lors du métabolisme cellulaire aérobie. Les oligo-éléments sont des composants de métalloenzymes antioxydantes au sein desquelles ils jouent soit un rôle dans la conformation soit un rôle de catalyseur.
Les superoxyde dismutases (SOD) constituent la première ligne de défense contre le stress oxydatif. Les SOD qui ont pour coenzymes le cuivre et le zinc (Cu,Zn-SOD) sont localisées soit dans le cytoplasme cellulaire soit hors de la cellule tandis que les SOD à manganèse (Mn-SOD) se situent dans la mitochondrie. Le sélénium est un composant de la glutathion peroxydase (GSH-Px). La structure des SOD et de la glutathion peroxydase bovines ont été largement décrites3. En plus de ces enzymes antioxydantes bien étudiées, il existe d’autres systèmes enzymatiques mais aussi des systèmes non enzymatiques (vitamine E, vitamine C, carotènes…) réagissant avec les espèces réactives de l’oxygène pour les détoxifier4. Le rôle des antioxydants a fait l'objet d'études approfondies en médecine humaine comme animale5,6.
Chez les animaux d’élevage, le stress oxydatif peut être impliqué dans de multiples situations physiologiques et pathologiques, y compris des situations en lien avec la production et le bien-être général des individus7. Chez les vaches, plusieurs observations suggèrent une altération de la réponse immunitaire durant les périodes de stress oxydatif5,8. Chez les veaux sevrés, il a été montré que le stress du transport pouvait augmenter le stress oxydatif, engendrant davantage d’épisodes de maladies respiratoires et de mortalité9. Les troupeaux présentant des concentrations plasmatiques marginales ou déficientes en zinc ou en cuivre ont un risque accru de métrite, de mammite et de problèmes de locomotion10. De plus, lors de périodes de forte demande en nutriments, que ce soit dans des situations qui accélèrent le métabolisme cellulaire (infection, parturition, sécheresse, stress thermique) ou que ce soit pendant le développement embryonnaire et fœtal, le risque de stress oxydatif est augmenté11,12.
Les animaux ayant un statut en oligo-éléments optimal avant ces périodes de forte demande présentent des taux d’enzymes antioxydantes adéquats pour combattre le risque augmenté de stress oxydatif. Une supplémentation stratégique en amont de ces périodes de forte demande a montré une diminution du risque de stress oxydatif et une amélioration des performances du troupeau13.
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Références
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