De nombreux propriétaires sont réticents à mettre en place une insulinothérapie chez un chat diabétique. Anticiper le risque en proposant un régime qui minimise l’élévation de la glycémie postprandiale est donc important, en particulier dans les races à risque telles que le burmese, le chat des forêts norvégiennes, le bleu russe, l’abyssin et le tonkinois2,3.
La prévention du diabète repose sur deux objectifs nutritionnels majeurs : garder l’animal à son poids idéal et chercher à minimiser l’élévation de la glycémie après le repas.
Le surpoids est un facteur de risque très important pour le diabète sucré du chat : par rapport à des chats pesant moins de 3 kilos, le risque est multiplié par 3,3 chez les chats de 4 à 4,9 kilos et par 5,1 chez les chats de 5 à 5,9 kilos3.
Un poids excessif s’accompagne d’une réduction de la sensibilité à l’insuline et favorise l’apparition d’une hyperglycémie chronique, deux facteurs favorisant le diabète sucré de type 2. Après une perte de poids, la sensibilité à l’insuline du chat peut cependant être normalisée4.
Un régime riche en protéines aide à stabiliser le poids et à optimiser la condition corporelle.
Les glucides sont les nutriments qui influencent le plus la glycémie postprandiale. A cause d’un déficit en glukinase, la clairance du glucose est plus lente chez le chat que chez le chien. Après un repas test riche en glucides, le pic hyperglycémique est atteint vers 120 min. chez le chat (vs 60 min. chez le chien) et le retour au niveau de base s’observe vers 240 min. (vs 90 min. chez le chien)5.
Limiter le taux de glucides alimentaires aide à contrôler la glycémie postprandiale : lorsque des chats adultes stérilisés consomment un aliment contenant 46 % de protéines (EM) et 27% de glucides (EM), le pic de glycémie post prandial est significativement inférieur à celui observé avec un aliment contenant 26% de protéines (EM) et 47% de glucides (EM)6. Que les chats mangent à volonté ou soient rationnés, les résultats sont similaires7.
Chez le chat, les signes de diabète sucré sont souvent frustes et la polyuro-polydipsie n’apparaît que dans deux tiers des cas. En cas de doute, il est important de détecter une éventuelle glycosurie et de doser les protéines glycosylées (fructosamines) qui témoignent de la pérennité de l’hyperglycémie. Une hyperglycémie chronique stimule en effet excessivement la production d’insuline par les cellules bêta et favorise le développement d’une insulino-résistance.
Lorsque le diabète est avéré, il est souhaitable de diminuer la part des glucides alimentaires pour que la glycémie reste inférieure à 14 mmol/l (252 mg/dl) ; on lutte ainsi contre la diurèse osmotique et la toxicité liée au glucose8.
Augmenter le taux de protéines alimentaires permet d’entretenir la néoglucogénèse hépatique qui contribue à limiter l’hyperglycémie postprandiale9 car le glucose produit est relargué très progressivement dans le flux sanguin.
Chez un chat diabétique, l’objectif n’est pas seulement de contrôler les signes de la maladie mais d’obtenir une rémission ; une glycémie moyenne faible au cours du traitement est favorable aux rémissions10.
Pour atteindre cet objectif, l’International Society of Feline Medicine (ISFM) conseille de limiter les glucides assimilables dans l’alimentation à 12% de l’EM (ou 3 g/100 kcal)8. Ce consensus s’appuie en particulier sur deux études contrôlées et randomisées11,12. Dans la première, les effets de deux régimes (26% vs 12% de glucides) chez des chats diabétiques ont été comparés pendant 16 semaines. Un taux de rémission de 68% est observé chez les chats nourris avec le régime pauvre en glucides, vs 41% avec l’autre régime. A la fin de l’étude, parmi les chats ayant encore besoin d’insuline exogène, 40% de ceux recevant une alimentation hypoglucidique étaient considérés comme bien contrôlés, vs seulement 26% des chats recevant l’autre régime. Les chats consommant l’aliment le plus pauvre en glucides avaient donc 1,7 fois plus de chance d’atteindre une rémission diabétique et 1,5 fois plus de chance que leur diabète soit bien régulé12.
La diminution progressive de la sensibilité des cellules à l’insuline fait le lit du diabète sucré.
Le rôle bénéfique d’un régime riche en protéines et pauvre en glucides pour la sensibilité à l’insuline a été confirmé à de nombreuses reprises chez le chat. Chez des chats stérilisés et minces, un régime riche en protéines (protéines : 45,2% et glucides 24,7% sur brut) contribue à maintenir une bonne sensibilité à l’insuline13. Le même type de régime aide à restaurer cette sensibilité à l’insuline, même lorsqu’elle a été temporairement diminuée par une prise de poids excessive4,14.
Les aliments riches en protéines doivent être intégrés dans la prévention et le traitement du diabète sucré félin car ils agissent sur tous les facteurs de risque : ils favorisent le maintien d’une bonne condition corporelle, ils limitent l’hyperglycémie post-prandiale et ils diminuent le besoin en insuline.
Lorsque la fonction rénale du chat le permet, un taux minimum de 45% de protéines sur MS peut aujourd’hui être recommandé dans l’alimentation d’un chat diabétique, associé à un taux d’amidon le plus bas possible9.
Références
1. Perez-Lopez L., et al., « Assessment of the association between diabetes mellitus and chronic kidney disease in adult cats”, J. Vet. Intern. Med., 2019, 33 : 1921-1925.
2. Ohlund M., et al., « Incidence of diabetes mellitus in insured swedish cats in relation to age, breed and sex », J. Vet. Intern. Med., 2015., 29 : 1342-1347.
3. O’Neill D.G., et al., « Epidemiology of diabetes mellitus among 193,435 cats attending primary-care veterinary practices in England », J. Vet. Intern. Med.,2016, 30 : 974-972.
4. Keller C., et al., « Metabolic response to three different diets in lean cats and cats predisposed to overweight », BMC Vet. Res., 2017, 13: 184.
5. Farrow H.A., et al., « Effect of dietary carbohydrate, fat, and protein on postprandial glycaemia and energy intake in cats », . Vet. Intern. Med., 2013, 27 : 1121-1135.
6. Hewson-Hughes A.K., et al, « Postprandial glucose and insulin profiles following a glucose-loaded meal in cats and dogs », Br. J. Nutr., 2011, 106 : S101-S104.
Synthèse de l'étude Description du pic hyperglycémique post-prandial chez le chat : Après un repas riche en glucose, le pic hyperglycémique post prandial est atteint en moyenne vers 120 minutes et ne retourne au niveau normal que 240 minutes après.
7. Coradini M., et al., “Effects of two commercially available feline diets on glucose and insulin concentrations, insulin sensitivity and energetic efficiency of weight gain », Br. J. Nutr., 2011,106 : S64-S77.
8. ISFM Consensus guidelines on the practical management of diabetes mellitus in cats », J. Fel. Med. Surg., 2015, 17 : 235-250.
9. Tramoni C., « Évolutions récentes de la prise en charge du chat diabétique », Thèse de doctoraté vétérinaire, Vetagro Sup Lyon, 2018.
10. Restine L.M., et al., « Loose-control of diabetes mellitus with protamine zinc insulin in cats: 185 cases (2005-2015)”, Can. Vet. J, 2019, 60: 399-404.
11. Hall T.D., et al., « Effects of diet on glucose control in cats with diabetes mellitus treated with twice daily insulin glargine », J. Feline Med. Surg., 2009, 11 : 125-130.
12. Bennett N., et al., « Comparison of a low carbohydrate–low fiber diet and a moderate carbohydrate–high fiber diet in the management of feline diabetes mellitus », J. Feline Med. Surg., 2006, 8 : 73-84.
Synthèse de l'étude Comparaison de l’efficacité de deux régimes alimentaires pour accompagner le diabète sucré du chat : Au bout de 16 semaines, le taux de rémission a été significativement plus élevé (68 vs 41 %) chez les chats recevant un régime pauvre en glucides que chez ceux recevant un régime à teneur glucidique plus élevée.
13. Hoenig M., et al., “Insulin sensitivity, fat distribution, and adipocytokine response to different diets in lean and obese cats before and after weight loss », Am. J. Physiol. Regul. Integr. Comp. Physiol., 2007, 292 : R227-R234.
14. Eisert R., et al., « Hypercarnivory and the brain: protein requirements of cats reconsidered », J. Comp. Physiol., 2011, B181 : 1-17.